Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/219

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de la nation française, elle a vu l’empire de la raison s’étendre, s’affermir, et promettre aux hommes vertueux, en assurant le bonheur de leurs semblables, que leurs travaux ne resteraient pas sans récompense.

« D’innombrables sociétés du même genre se forment actuellement dans toutes les parties de l’Angleterre. (Applaudissements.) Tous les esprits en reçoivent une impulsion générale qui les porte à sonder les abus du gouvernement… D’après les exemples que la France a donnés, les révolutions vont devenir faciles ; la raison va faire de rapides progrès, et il ne serait pas extraordinaire si, dans un intervalle beaucoup moins long que nous n’oserions le prédire, il arrivait du continent des adresses de félicitations à une Convention nationale en Angleterre. »

Ce n’est pas à une demi-Révolution, c’est à la Révolution entière, c’est à la République que les sociétés anglaises envoient leur sympathie. La lettre de la Société constitutionnelle de Londres lue le même jour, 28 novembre, débute ainsi : « Mandataires d’un peuple souverain, et bienfaiteurs de l’espèce humaine, nous nous trouvons heureux que la Révolution française ait acquis un degré de perfection qui nous permette de vous donner ces titres… Les époques successives de votre régénération politique ont toutes ajouté quelque chose au triomphe de la liberté. Et la glorieuse victoire du 10 août a enfin préparé les voies à une Constitution qui, nous l’espérons de vos lumières, sera fondée sur les bases de la nature et de la raison. »

Et en une image un peu pompeuse, mais d’un sens exact, ils caractérisent l’efficacité toute nouvelle de la Révolution française : « Les étincelles de liberté qui s’étaient conservées en Angleterre pendant plusieurs siècles pareilles aux lueurs de l’aurore boréale, ne servirent qu’à rendre visible au reste de l’Europe l’obscurité qui le couvrait. Une lumière plus vive, image de la véritable aurore, jaillit du sein des républiques américaines ; mais son éloignement l’empêchait d’éclairer notre hémisphère ; il fallait, si la sagesse de notre langue nous permet d’achever ce parallèle, il fallait que, rayonnante de tous les feux du soleil au milieu de sa Cour, la Révolution française déployât soudain au centre de l’Europe le résultat pratique des principes que la philosophie avait semés. »

La République démocratique de France, ce n’est pas en effet une lueur pâle, ce n’est pas non plus une vive mais lointaine aurore ; c’est la splendeur de la liberté en son midi, rayonnant tout droit sur l’Europe.

Les délégués de la Société de Londres annoncèrent pour terminer, au milieu des acclamations enthousiastes, qu’elle envoyait « 1.000 paires de souliers, pour offrir en don patriotique aux soldats de la liberté ».

Vraiment il semble que la Révolution déborde ; mais il semble aussi que la Convention commence à perdre l’équilibre, qu’elle ne garde ni le sang-froid, ni la mesure. Elle risque de se laisser entraîner à une lutte épuisante et inégale contre toutes les forces conservatrices de l’univers. Pendant ses