Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/281

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aussi devenus les plus peuplés, les plus riches, et, par conséquent, les contrées de la République où il y a le plus de prospérité ; l’habitant y est manufacturier et cultivateur tour à tour. Le ciel est-il paisible, la saison favorable ? Il laboure, il sème, il récolte ses champs. La pluie, les frimas, les longues soirées de l’hiver le font-il rentrer sous le chaume ? Il y file le coton, la laine, il y tisse de la toile et se livre à d’autres travaux casaniers également utiles à la République, à son bien-être et à celui de sa famille. L’oisiveté, cette source des vices, ce fléau destructeur des États, est repoussée loin de son foyer, le contentement, l’aisance et la paix lui font couler d’heureux jours, et ce ne fut jamais dans une cité, manufacturière et agricole en même temps, que la hideuse discorde osa se montrer.

« Je pense donc que le gouvernement doit introduire dans les campagnes les connaissances et le goût des manufactures de première nécessité. Le commerce et l’agriculture se prêtent un mutuel secours, et nulle part, les champs ne sont mieux cultivés que dans les lieux vivifiés par l’industrie.

« Il faut que chaque individu, le villageois comme le citadin, s’instruise et exerce dans une profession ; il faut que l’éducation publique le pousse à ce goût, lui en fasse même un devoir : c’est le moyen le plus sûr d’extirper la mendicité et d’inspirer l’amour du travail. »

Je ne discute pas le système de Roland ; il convenait à la période intermédiaire et incertaine où se trouvait encore l’industrie qui n’était pas entrée sous la loi du machinisme et qui n’était pas très concentrée. Roland ne paraît pas soupçonner qu’en éveillant dans les campagnes les vocations industrielles il ne ramènera pas l’industrie aux champs, mais qu’il rendra plus facile le drainage des forces rustiques déjà un peu dégrossies et éduquées par l’industrie des villes.

Mais encore une fois, quel que fût l’esprit de système de Roland, et quelque joie qu’il éprouvât à reproduire devant la Convention, comme ministre de l’Intérieur, les idées qu’il avait longtemps propagées obscurément comme inspecteur des manufactures, comment supposer qu’il aurait aussi complaisamment prévu l’extension de l’industrie et la diffusion des connaissances industrielles si, à ce moment précis, il y avait eu une baisse générale de l’activité économique ?

C’eût été une étrange idée de susciter la vaste concurrence de bras nouveaux aux bras inoccupés des ouvriers. Les partis qui se déchiraient alors n’auraient pas manqué de s’imputer les uns aux autres, de la Gironde à Robespierre et de la Commune à Brissot, la responsabilité de la crise industrielle si elle eût été en effet déclarée. Or, ils n’en faisaient rien.

Mais s’il n’y avait pas arrêt ou même ralentissement sensible de l’activité économique et de la production industrielle, le déséquilibre que j’ai noté au printemps de 1792 allait s’aggravant. De plus en plus, la vie de la France semblait reposer sur je ne sais quoi de factice et de précaire. La baisse