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Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/284

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devait, par des contributions progressives, couvrir le déficit des caisses d’émission. La fortune des riches commence à apparaître comme une sorte de fonds social de réserve et d’assurance contre les accidents fâcheux qui troublent l’économie du pays, la vie de la nation.

À vrai dire, il ne semble pas qu’en dehors de Paris, il y ait eu déficit dans les caisses. Au moins pour les municipalités pour lesquelles Roland donne dans son rapport l’état des caisses, les sommes en dépôt qui garantissent les effets de confiance sont, ou égales, ou même supérieures à la somme des billets émis. À Paris, l’immense confusion des affaires avait sans doute rendu plus malaisée la surveillance. Dans les grandes villes de province, ou c’étaient les municipalités elles-mêmes qui géraient les caisses, et avec une inflexible probité, ou c’étaient des groupements industriels habitués à l’exactitude et au contrôle. C’est ainsi qu’à Bordeaux, les billets émis pour une somme de 10.391.034 livres, plus de 10 millions (on voit le grand rôle joué par cette monnaie de papier, subdivision anticipée et libre de l’assignat), avaient leur contre-partie exacte dans un actif certain et vérifié. De même, à Laval, pour 1.833.591 livres.

De même encore pour Lyon, où la caisse de l’association des chapeliers (maîtres chapeliers) avait émis 1.572.000 livres, avec un actif équivalent. Et aussi avec des sommes moindres mais élevées encore, pour Angers, Saumur, Baugé, Cholet, Coron, Tours, Saint-Quentin, Dunkerque, Lyon encore (pour la caisse patriotique), à Poitiers, à Montargis, Balmont, Nancy, Toul, Vezcièze, Lunéville, Mâcon, Bar-sur-Ornain, Parthenay, la gestion avait été irréprochable. Et ce n’est qu’une énumération bien incomplète. Mais cette abondance de la petite monnaie fiduciaire s’ajoutant à la masse énorme des assignats, n’est-elle point un signe de l’extrême activité des échanges ? Dix millions rien que pour Bordeaux.

C’est le 8 novembre que la Convention adopta le décret sous sa forme définitive. On y voit en jeu tout le mécanisme administratif de la Révolution manié par la volonté puissante de la grande assemblée.

« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, considérant la nécessité qu’il y a d’arrêter le plus tôt possible la circulation des billets au porteur, payables à vue soit en échange d’assignats, soit en billets échangeables en assignats, qui sont reçus de confiance comme monnaie dans les transactions journalières, afin d’éviter les troubles que cette circulation pourrait occasionner ;

« Considérant que l’émission de ces billets qui a été faite par des corps administratifs ou municipaux, compagnies ou particuliers, ne peut, dans aucun cas, former une dette à la charge de la République ;

« Considérant qu’il est du devoir des représentants de la nation de prendre des mesures pour fournir au déficit qui pourrait résulter des diverses émissions de ces billets, afin que la portion du peuple la moins fortunée ne soit