Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/296

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mon intérêt proportionnel aux fonds dans les achats en société de blé froment qui se montent, mirant les factures remises à M. du Coulombrei, à 402 992 B. M. »

C’étaient des sommes infimes, et cela ne pouvait, en rien agir sur les cours, mais quelle inconscience, quelle funeste étourderie chez ces agents du roi qui, en pleine révolution, en pleine guerre, quand le peuple encore hanté des souvenirs du pacte de famine commence à murmurer contre la cherté des grains, associent le roi à des spéculations à la hausse sur les denrées coloniales et sur le blé ! Septeuil demande à ses correspondants de Hambourg (ah ! comme le nationalisme monarchiste et antisémite, vertueux ennemi du cosmopolitisme financier, a là de précieux antécédents !) de lui confirmer l’entrée en dépôt des cafés reçus du Havre et de Nantes, et des sucres reçus de Nantes :

« Je vous serai obligé de satisfaire à tous ces points de reconnaissance. Je vous dirai de plus que M. Rocck m’avait expressément promis que vous m’écririez le prix de chacune de ces marchandises. » Et en post-scriptum :

« Je ne doute pas que le prix des froments ne s’élève incessamment et que vous ne rencontriez les limites de 120, quoique fort distantes d’à présent ».

Septeuil n’est pas enchanté de son opération, il craint d’avoir acheté au moment où le cours du blé avait déjà atteint le plus haut : il essaie pourtant de se rassurer et il entrevoit une hausse nouvelle comme conséquence des grands achats des armées.

« Hambourg, MM. Engelback et Rocck, le 8 juin 1792.

« Il faut avouer que j’ai été bien malheureux de saisir le plus haut prix dans l’achat de ces froments ; j’espère que vous apporterez tous vos soins pour m’en tirer le meilleur parti que vous pourrez recueillir sur les récoltes éventuelles du Nord et sur la consommation présumée des nombreuses armées… Les notions sur nos récoltes de France les font présumer bonnes. Cependant, il arrive annuellement que les denrées sont chères à l’approche et même après les récoltes ; il en est sans doute de même chez vous, et j’espère que dans le courant des mois de juillet et d’août les prix s’élèveront ; j’ai la même espérance pour les denrées coloniales pour l’automne prochain. »

Septeuil n’eut pas d’ailleurs à se louer de ses rapports avec les dépositaires Rocck et Engelback, chez lesquels il consignait pour revendre à bénéfice, sucres, cafés et blés. Il eut des doutes sur leur solidité et retira la marchandise, mais il continua de spéculer et il écrivait à ses nouveaux correspondants de Hambourg, MM. Poppe et Cie, pour soutenir les cours :

« Je ne fixe pas de limites pour les froments… Vous aurez appris les ordres que notre gouvernement a donnés chez vous pour des achats qui seront suivis, dit-on, de nouveaux et plus considérables. »