Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/40

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« Il pourrait se faire que les membres qui composeront la Convention nationale voulussent encore des rois ; mais que les braves Parisiens tiennent bon, car jamais les rois ne leur pardonneraient de les avoir détrônés quelques mois. La liste civile est suspendue, il est vrai, mais elle existe encore dans les caisses des banques, dans les biens des émigrés, dans les ressources des ci-devant grands seigneurs, des riches capitalistes qui feraient les plus grands sacrifices pour ramener un ordre de choses qui leur était si favorable. »

« Si la Convention nationale s’avisait de vouloir quitter Paris, je le dis tout haut, je sonne une troisième fois le tocsin : Arrêtez les scélérats ! »

Ainsi, avant que la Convention se rassemblât, avant même qu’elle fût élue, la Révolution parisienne s’apprêtait à la surveiller, à l’immobiliser à Paris pour la tenir sous son contrôle. Pourtant, Chabot ne suit point Marat jusqu’au bout : c’est contre les royalistes, les modérés, les Feuillants, qu’il tourne la pointe de la Commune ; mais il ne menace pas directement les Girondins. Ils ont voté les poursuites contre Lafayette. Ils font donc, de droit, partie de la Révolution.

« Si les deux cent vingt membres qui ont voté contre Lafayette vous restent, ajoute Chabot, je crois pouvoir vous le dire, la chose publique est sauvée. Si, au contraire, c’était la majorité de cette assemblée législative qui dût passer à la Convention nationale, alors gardez vos armes et veillez. »

Ainsi, la Gironde était admise, mais sous la surveillance de la Commune de Paris.

Le manifeste électoral des Jacobins, lancé le 22 août, est dans le même esprit. Il fait accueil à la Gironde, mais il fait de Paris le gardien de la Révolution. « De notre choix dépend le succès de notre cause… L’Assemblée a détruit le mur de séparation que nos constituants avaient élevé entre les citoyens ; elle a supprimé, sans indemnité, tous les droits féodaux, excepté ceux qui sont prouvés, par le titre primitif, être le prix de la concession du fonds.

« Il est peu de ci-devant seigneurs qui puissent faire cette preuve. Elle a fait justice des rois et des prêtres, des émigrés et de leurs nobles correspondants, de l’aristocratie bourgeoise et financière, en un mot, de tous nos ennemis. Elle a rétabli le règne de l’égalité en appelant, sans distinction, le peuple à l’exercice de sa souveraineté. C’est à nous de le soutenir, et nous le pouvons, en éloignant des assemblées électorales tous ceux qui ont protégé, même indirectement, la cour et le sacerdoce, les émigrés et leurs adhérents. Notre choix ne peut être difficile ; les patriotes font la majorité de la nation. Ils peuvent donc, s’ils savent se réunir, faire des choix favorables à leurs intérêts. Les électeurs étant payés à trois livres par jour et à trois sols par lieue pour leur voyage, il n’est plus nécessaire d’être riche bourgeois, prêtre, ou ci-devant noble, pour accepter cette noble mission, et si la majorité des électeurs est au niveau de la révolution du 10 août 1792, nos nouveaux députés