Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/46

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vigueur et moins de prestige, qu’ainsi le pouvoir national s’élèverait au-dessus du pouvoir municipal révolutionnaire.

Comment la Commune de Paris répondit-elle au décret de dissolution ? Dans la séance du 30 au soir, et aussitôt connu le décret de l’Assemblée, il y eut à la Maison commune de grands orages. Tout d’abord, un citoyen ardent invita le peuple en un discours énergique à se porter contre l’Assemblée. Puisqu’elle persécutait les hommes du 10 août, puisqu’elle demandait des titres légaux à des hommes qui n’avaient pu recevoir mandat que de leur courage et de la Révolution elle-même, puisqu’elle traduisait ainsi à sa barre la Révolution du 10 août, il fallait continuer et compléter cette Révolution. Après avoir marché contre la royauté, il fallait se porter contre l’Assemblée qui s’apprêtait à venger la royauté.

Mais ce conseil violent n’eut pas d’écho. Il semble que tout d’abord la Commune veut se borner à une résistance passive : elle restera, et, au besoin, elle fera confirmer ses pouvoirs par les sections. Tout de suite, la section de Mauconseil et celle du Finistère confirment leurs commissaires. Ainsi, la Commune recevrait une investiture légale, conforme en somme au décret de la Législative, et pourtant c’est bien la Commune révolutionnaire qui se continuerait.

Mais dans cette tactique même il y a flottement. La section du Louvre ne veut pas prendre un parti immédiat. Elle demande d’abord à connaître exactement le décret de l’Assemblée. La section de la Fontaine-Montmartre ordonne à ses commissaires d’obéir au décret de l’Assemblée.

De là, division et impuissance ; et un moment, vers minuit et demi, il parut que le Conseil général de la Commune allait lever sa séance sans avoir pris une décision, s’avouant ainsi vaincu. Mais l’instinct révolutionnaire réagit. Le Conseil décida que quiconque proposerait de lever la séance serait expulsé. Et il arrêta qu’une adresse de protestation serait envoyée à tous les départements et à toutes les municipalités, avec les procès-verbaux de la Commune depuis le 10 août.

C’était une sorte d’appel à la France et à la Révolution contre le décret de l’Assemblée. Marat, qui se sentait atteint par le même coup qui frappait la Commune, fit placarder le 31 les affiches les plus violentes contre la Législative. Et Tallien, greffier de la Commune, se présenta en son nom à la barre de l’Assemblée pour protester contre le décret de la veille :

« Vous êtes remontés par nous à la hauteur des représentants d’un peuple libre ; c’est vous-mêmes qui nous avez donné le titre honorable de représentants de la Commune, et vous avez voulu communiquer directement avec nous. Tout ce que nous avons fait, le peuple l’a sanctionné. (Applaudissements des citoyens des tribunes.) Ce n’est pas quelques factieux, comme on pourrait le faire croire, c’est un million de citoyens. Interrogez-les sur nous et partout ils vous diront : Ils ont sauvé la patrie. Si quelques-uns d’entre