Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/461

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un peu de son art d’autrefois pour le travail des jouets, pour la ciselure du bois, du métal…

« Plus profonde encore était la chute d’Ulm et de Regensbourg… Et la situation des villes du Rhin si prospères autrefois, n’était pas meilleure. Cologne, la métropole du Rhin, est tombée dans la crasse et dans la misère ». Aix-la-Chapelle aussi, la vieille ville impériale, est gisante. Des cent mille habitants qu’elle abritait jadis dans ses murs, il en reste à peine un quart. »

Est-ce à dire que toute activité industrielle ait disparu de l’Allemagne ? Non certes ; s’il est des villes qui déclinent, d’autres grandissent ou se maintiennent. À Francfort-sur-le-Mein[sic] des opérations de banque solidement assises sur des traditions de prudence et d’habileté renouvelaient la richesse de la haute bourgeoisie. Mayence, au témoignage de Forster, contrastait par son activité, sa propreté, avec la paresseuse et pauvre Cologne. Les villes de la Hanse, si elles avaient perdu leur suprématie commerciale et politique, maintenaient cependant leur chiffre d’affaires à force d’ingéniosité et d’audace. Leurs capitaux accumulés leur permettaient de commanditer au loin des entreprises, de participer aux sociétés par actions qui commençaient à se fonder pour l’exploitation des colonies, pour les assurances de tout ordre, et aussi de devenir créancières de tous les États de l’Europe. C’est ainsi que Hambourg avait mainte fois souscrit, comme la Hollande, aux emprunts de la monarchie française. Son port avait un mouvement annuel (entrées et sorties) de 2 000 navires dont 160 étaient sa propriété. Les sociétés d’assurances maritimes y couvraient un capital de 60 à 120 millions de thalers. L’indépendance des colonies anglaises d’Amérique servit les intérêts de Hambourg, en supprimant le lien de commerce exclusif que l’Angleterre avait prétendu leur imposer.

En Prusse, en Bohême, en Silésie, en Saxe, les rois et les princes encourageaient ou même suscitaient les manufactures. En Saxe, les premières manufactures de coton furent protégées par un privilège de trente années. À Vienne, Joseph II élargit au contraire et même brise la corporation des grands marchands et il permet le commerce en gros à quiconque possède une fortune de 35 000 florins. En Bohème, le nombre des fabriques qui en 1780 était de 50, s’élève en 1786 à 172, occupant 400 000 ouvriers hommes et dans les trois années 1785-1788, 14 497 nouveaux métiers à tissage entrent en mouvement et occupent 120 000 ouvrières sans compter les ouvriers fileurs. Trieste était un des ports les plus actifs de l’Europe. Un correspondant du Moniteur de l’État rédigé par Schloezer évalue en 1782 à 21 millions de florins la valeur annuelle des entrées et des sorties ; le mouvement des navires y est de 4 288 en 1788 et de 6 750 en 1790. En Prusse, les fabriques de soie, créées par la volonté de Frédéric-Guillaume Ier et surtout de Frédéric II se développaient rapidement. Frédéric II poussa aussi les manufactures de laine et permit l’établissement des manufactures de coton que son père, routinier jusque dans