d’heures ; et il est besoin d’une surveillance constante et d’un grand nombre d’employés pour assurer, dans de bonnes conditions, le passage du produit manufacturé d’une main à l’autre, pour tenir les comptes et établir la balance. Au contraire, le maître artisan, qui se distingue du salarié comme le fermier de l’intendant, pouvait servir beaucoup plus utilement le marchand, et l’État avait des citoyens au lieu d’ouvriers vagabonds. C’était la maxime des villes en ces temps que nous appelons barbares ; c’était la vraie source de leur grandeur, c’est par là que se relèvent encore les villes dans la Lusace et le Voigtland. »
Il est impossible en lisant ces lignes de ne pas se reporter ici encore à l’analyse magistrale faite par Marx :
« Pendant toute la période manufacturière on n’entend que plaintes sur plaintes à propos de l’indiscipline des travailleurs. Et n’eussions-nous pas les témoignages des écrivains de cette époque, le simple fait que depuis le seizième siècle jusqu’au moment de la grande industrie, le capital ne réussit jamais à s’emparer de tout le temps disponible des ouvriers manufacturiers, que les manufactures n’ont pas la vie dure, mais sont obligées de se déplacer d’un pays à l’autre, suivant les émigrations ouvrières, ces faits, dis-je, nous tiendraient lieu de toute une bibliothèque. »
Chose curieuse ! à propos de cette « indiscipline » des ouvriers, Marx dit en note : « Ceci est beaucoup plus vrai pour l’Angleterre que pour la France et pour la France que pour la Hollande », et il ne fait pas même allusion à l’Allemagne. Il avait fait du néant de la bourgeoisie allemande une pièce si importante de sa dialectique historique qu’il a sans doute négligé outre mesure d’étudier le mouvement de la production allemande, dans cette période encore embryonnaire.
Je note enfin un dernier trait qui achève la concordance du tableau tracé par Mœser et de l’analyse faite par Marx. Celui-ci, dans son chapitre « sur la genèse du capitaliste industriel », dont la première réalisation ou incarnation est le manufacturier, étudie les résistances qui contrariaient ou retardaient la transformation du capital commercial en capital industriel.
« La constitution féodale des campagnes et l’organisation corporative des villes empêchaient le capital-argent formé par la double voie de l’usure et du commerce de se convertir en capital industriel. Ces barrières tombèrent avec le licenciement des suites seigneuriales, avec l’expropriation et l’expulsion partielle des cultivateurs, mais on peut juger de la résistance que rencontrèrent les marchands, sur le point de se transformer en producteurs marchands, par le fait que les petits fabricants de draps de Leeds envoyèrent encore en 1794 une députation au parlement pour empêcher tout marchand de devenir fabricant. Aussi les manufactures nouvelles s’établirent-elles de préférence dans les ports de mer centres d’exportation, ou aux endroits de l’intérieur situés hors du contrôle du régime municipal et de ses corps de métiers. De