Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/473

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« Mais des hommes instruits et entreprenants qui ne voulaient plus subir, comme une corvée, le non-sens du régime corporatif et exposer plus longtemps leur crédit à fabriquer de mauvaises toiles, se retirèrent peu à peu d’Aix-la-Chapelle et s’établirent dans les régions voisines en terre hollandaise, en terre d’Empire, où ils avaient la liberté de diriger souverainement leurs fabriques et où ils ne subissaient d’autre restriction que celle qui leur était imposée par la mesure même de leurs forces et l’étendue de leur capital. À Burtscheid, à Vaals, à Eupen, à Montjoie, à Verriers, et surtout dans tout le Limbourg s’élevèrent d’innombrables fabriques de toiles, dont quelques-unes mettaient en œuvre tous les ans, et dans le procès de reproduction le plus rapide, un capital d’un demi-million, et dont les comptoirs étaient établis à Cadix et à Constantinople, là pour acheter les laines espagnoles, ici pour vendre les toiles les plus riches.

«  Les suites d’une organisation déplorable ont été funestes à Aix-la-Chapelle et elles éclatent à tous les yeux. Les rues fourmillent de mendiants, et la corruption des mœurs est si générale, dans le petit peuple surtout, que l’on entend des plaintes à ce sujet à tout propos et dans toutes les sociétés… Les enfants de l’homme du commun sont devenus des voleurs de laine, des paresseux et des joueurs de loto. »

Et voici, en regard, l’activité des manufactures affranchies des vieilles entraves :

« Burtscheid est à l’orient d’Aix-la-Chapelle… Les sapins sont très soigneusement entretenus dans cette vallée, parce qu’ils servent beaucoup pour la fabrication des aiguilles à coudre… Nous n’avons vu de ces fabriques que les plus remarquables, le moulin à polir, qui au moyen d’une roue à eau met en mouvement tout le mécanisme utile. »

Et Forster décrit les appareils ingénieux et puissants qui permettent à l’ouvrier le plus ordinaire de pousser très vite la production :

«…Burtscheid occupe en proportion plus d’ouvriers en toiles qu’Aix-la-Chapelle. La plus importante fabrique, celle de M. de Lawenich, se compose de bâtiments très vastes et bien disposés, et les toiles qu’on y produit sont particulièrement estimées. Là comme à Vaals et Aix-la-Chapelle on ne prépare des toiles que d’une seule couleur, qui sont peintes en pièces ; tandis que Verviers et les régions voisines ne livrent que des toiles mêlées et peintes d’abord en chanvre. »

Forster est induit par tout le spectacle de cette activité à pressentir et à désirer de nouveaux progrès de la production, la substitution du mode capitaliste à tout ce qui subsiste encore de travail dispersé et rudimentaire :

« La laine la plus fine est tirée de Bilbao à cause du voisinage des belles prairies des Asturies et de Léon ; la plus grossière vient de Cadix : elle est débarquée à Ostende et de là, par des canaux, va jusqu’à Aix-la-Chapelle. Là elle est lavée dans de profondes cuves en maçonnerie d’où l’eau sale