Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/52

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vous ai déjà demandé des mesures qui doivent être dictées par l’intérêt de l’État seul et, dans ces circonstances, le sentiment même doit se taire en faveur de l’humanité. Je demande une seconde fois que les femmes et les enfants des barbares qui ravagent les départements frontière et qui marchent à la tête des ennemis étrangers pour porter le glaive dans le sein de la Patrie, soient retenus pour otages et nous répondent des vexations et du sang de nos compatriotes. »

Des applaudissements mêlés de murmures accueillirent les paroles de l’obstiné faiseur d’otages. Thuriot une fois de plus exhala son indignation et sa pitié : « Il n’y aurait pas de bourreau en France capable d’assassiner l’enfant dans les bras de sa mère, parce que son père aurait porté les armes contre la patrie. » L’assemblée remuée par ce langage, écarta l’implacable motion de Merlin. Mais la sombre nuée de la guerre grandissait à l’horizon, s’empourprait de teintes sanglantes.

Le 24 août, la ville de Longwy, mal défendue par ses remparts ébréchés, plus mal défendue encore par une bourgeoisie timide et qu’affolèrent les premiers éclats de l’orage, se rendait à l’ennemi. L’indignation fut grande à Paris. Danton comprit qu’il ne fallait pas laisser l’esprit public fléchir un instant sous le poids de ce premier revers et il demanda à l’Assemblée, le 28 août, en un mâle et puissant langage, des mesures de vigueur. C’est vraiment par un sublime sursaut de courage que Danton voulait répondre à l’ennemi. Il n’y a pas de plus fortes paroles dans l’histoire des peuples libres menacés.

« Le pouvoir exécutif provisoire m’a chargé d’entretenir l’Assemblée nationale des mesures qu’il a prises pour le salut de l’Empire. Je regardai ces mesures en ministre du peuple, en ministre révolutionnaire. L’ennemi menace le royaume, mais l’ennemi n’a pris que Longwy… Vous voyez que nos dangers sont exagérés. Il faut que l’Assemblée se montre digne de la nation. C’est par une convulsion que nous avons renversé le despotisme. Ce n’est que par une grande convulsion nationale que nous ferons rétrograder les despotes.

« Vous avez ordonné la levée de 30.000 hommes dans le département de Paris et dans les départements environnants. Des hommes bien intentionnés mais inquiets, ont cru un moment que cette levée devrait être faite dans Paris seulement ; ils craignaient que le centre de la Révolution ne fût tout à coup privé de ses plus braves défenseurs. Cette erreur a été dissipée, et je puis assurer que les sections mettent la plus grande activité à lever leur contingent. Jusqu’ici nous n’avons fait que la guerre simulée de Lafayette. Il faut faire une guerre plus terrible. Il est temps de dire au peuple qu’il doit se précipiter en masse sur ses ennemis.

« Quand un vaisseau fait naufrage, l’équipage jette à la mer tout ce qui l’exposait à périr. De même tout ce qui peut nuire à la nation doit être rejeté