Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/57

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aux mains des révolutionnaires, accusé par eux de complicité avec la cour, a-t-il un mouvement de pitié pour cet homme jeune qui avait essayé, après Varenne, de sauver le roi et la reine, qui s’était compromis pour eux, et qui allait périr peut-être parce que les papiers trouvés aux Tuileries démontraient ses liaisons avec la cour ? Non, Fersen écrit le 29 août à M. de Silversparre :

« Barnave et Ch. Lameth sont arrêtés, et j’espère qu’ils seront exécutés, personne ne l’aura plus mérité. »

Ainsi la cruauté froide des hommes polis s’ajouterait, pour écraser toute vie révolutionnaire, à la fureur des brutes armées. Paris, lève-toi donc ! Révolution, défends-toi ! À la Commune l’exaltation patriotique est admirable, et je crois bien que c’est sans calcul et avec l’élan d’une foi sublime qu’elle se dresse la première pour organiser la défense.

« Le procureur de la Commune, dit le procès-verbal de la séance du 2 septembre au matin, annonce que les ennemis sont devant Verdun, qu’ils en font en ce moment le siège et qu’avant huit jours, cette ville, la seule place forte qui existe entre Paris et l’ennemi, sera obligée de se rendre. Il demande que sur-le-champ tous les citoyens se réunissent, campent ce soir au Champ-de-Mars, et partent demain le plus tôt possible sous les murs de Verdun, y périr en défendant la liberté ou purger le sol français de la présence de ses ennemis. Cette proposition est adoptée à l’unanimité. »

Mais comment ces froides paroles traduiraient-elles l’ardeur de combattre, et la puissance de l’instinct vital qui, au cœur même de la Révolution, protestait contre les menaces de destruction ?

Les délégués de la Commune vont à l’Assemblée législative et ils y donnent lecture de la proclamation adressée par elle à Paris :

« Citoyens, l’ennemi est aux portes de Paris ; Verdun qui l’arrête ne peut tenir que huit jours. Les citoyens qui le défendent ont juré de mourir plutôt que de se rendre ; c’est vous dire qu’il vous font un rempart de leurs corps. Il est de votre devoir de voler à leur secours. Citoyens, marchez à l’instant sous vos drapeaux ; allons nous réunir au Champ-de-Mars ; qu’une armée de 60.000 hommes se forme à l’instant. Allons expirer sous les coups de l’ennemi, ou l’exterminer sous les nôtres. »

Pas un mot de cette proclamation qui ne soit tourné contre l’ennemi, pas un trait qui ne soit lancé vers la frontière. Aucune allusion, même voilée, n’y est faite aux ennemis du dedans, aux conspirateurs et aux traîtres ; c’est la flamme toute vive, toute pure de la liberté et de la patrie.

Vergniaud, comme pour attester qu’entre la Commune et la Gironde tout dissentiment s’effaçait devant le devoir commun, répondit aux délégués de Paris avec une éloquence magnifique et précise à la fois, et un noble courage sans forfanterie.

« C’est aujourd’hui, s’écria-t-il, que Paris doit se montrer dans toute sa grandeur ; je reconnais son courage à la démarche qu’il vient de faire, et