Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/570

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de contraire aux droits du peuple doit être abattu dès que nous entrons dans le pays. (Applaudissements.) En conséquence, il faut que nous proclamions nos principes, que nous détruisions toutes les tyrannies et que rien de ce qui existait ne résiste au pouvoir que nous exerçons.

« Vos comités ont donc pensé qu’après avoir expulsé les tyrans et leurs satellites, les généraux doivent, en entrant dans chaque commune, y publier une proclamation pour faire voir aux peuples que nous leur apportons le bonheur ; ils doivent supprimer sur-le-champ et les dîmes et les droits féodaux, et toute espèce de servitude.(Applaudissements.) Vos comités ont encore pensé que vous n’auriez rien fait si vous vous borniez à ces seules suppressions. L’aristocratie gouverne partout ; il faut donc détruire toutes les autorités existantes. Aucune institution du régime ancien ne doit exister lorsque le pouvoir révolutionnaire se montre… Il faut que le système populaire s’établisse, que toutes les autorités soient renouvelées, ou vous n’aurez que des ennemis à la tête des affaires. Vous ne pouvez donner la liberté à un pays, vous ne pouvez y rester en sûreté, si les anciens magistrats conservent leurs pouvoirs ; il faut absolument que les sans-culottes participent à l’administration. (Vifs applaudissements dans l’Assemblée et dans les tribunes.) Déjà, citoyens, les aristocrates des pays qu’occupent nos armées, abattus au moment de notre entrée, voyant que nous ne détruisions rien, ont conçu de nouvelles espérances ; ils ne dissimulent plus leur joie féroce ; ils croient à une Saint-Barthélémy, et {il ne serait pas difficile de prouver qu’il existe déjà dans la province de Belgique quatre ou cinq partis qui veulent dominer le peuple ; déjà les aristocrates versent leur or pour conserver leur ancienne puissance. On n’y voit que les nobles, le clergé, les états, et le peuple n’y est rien, il reste abandonné à lui-même et vous voulez qu’il soit libre ! Non, il ne le sera jamais, si nous ne prononçons pas plus fortement nos principes.

« Vous avez vu les représentants de ce peuple venir à votre barre ; timides et faibles, ils n’ont pas osé vous avouer leurs principes, ils étaient tremblants ; ils vous ont dit : « Nous abandonnerez-vous ? Vos armées nous quitteront-elles avant que notre liberté soit assurée ? Nous livrerez-vous à la merci de nos tyrans ? Nous ne sommes pas assez forts. Accordez-nous votre protection, vos forces. » Mais, citoyens, vous ne les abandonnerez pas ; vous étoufferez le germe de leurs divisions et des malheurs qui les menacent. (Applaudissements.) Votre conduite en Savoie doit vous servir d’exemple. Le peuple, encouragé par la présence de vos commissaires, s’est prononcé plus fortement ; il a commencé par tout détruire pour tout exercer ; alors son vœu n’a plus été douteux ; il s’est montré digne d’être libre, et vous a donné un exemple que vous devez porter chez les autres peuples. Suivons donc cette marche dans les pays où nous serons obligés de faire naître des révolutions ; mais en détruisant les abus, ne négligeons rien pour protéger les personnes et les propriétés (Vifs applaudissements). »