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Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/699

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gner communément à Newcastle environ le double, et, dans beaucoup d’endroits de l’Écosse, le triple des salaires du travail du manœuvre. Ce taux élevé provient entièrement de la dureté, du désagrément et de la malpropreté de la besogne. Dans la plupart des cas cet ouvrier peut être occupé autant qu’il le veut. Le métier des déchargeurs de charbon à Londres égale presque celui des charbonniers pour la fatigue, le désagrément et la malpropreté ; mais l’occupation de la plupart d’entre eux est nécessairement très peu constante, à cause de l’irrégularité dans l’arrivée des bâtiments de charbon. Si donc les charbonniers des mines gagnent communément le double et le triple des salaires du manœuvre, il ne doit pas sembler déraisonnable que les déchargeurs de charbon gagnent quatre et cinq fois la valeur de ces mêmes salaires. Aussi, dans les recherches que l’on fit il y a quelques années sur le sort de ces ouvriers, on trouva que sur le pied auquel on les payait alors, ils pouvaient gagner 6 à 10 shillings par jour (un peu plus de 6 à 10 francs) ; or 6 shillings sont environ le quadruple des salaires du simple travail à Londres. »

Mais ce n’est pas seulement tous les métiers créés après le statut d’Élisabeth, ou les grandes industries en croissance, comme celle des mines, qui échappaient aux prises du régime corporatif. C’étaient aussi toutes les entreprises par actions, et elles se multipliaient. Il semble même à Adam Smith que le développement des sociétés ou compagnies par actions était parfois excessif et s’appliquait à des objets qui relevaient plutôt de l’industrie personnelle. Il caractérise la société par actions avec une grande netteté. Le capitalisme anglais est doté dès lors d’un de ses organes essentiels.

« Les Compagnies par actions, établies ou par charte royale ou par acte du Parlement, diffèrent, à beaucoup d’égards, non seulement des compagnies privilégiées, mais même des sociétés particulières de commerce.

« Premièrement, dans une société particulière, aucun associé ne peut, sans le consentement de la société, transporter sa part d’associé à une autre personne, ou introduire un nouveau membre dans la société. Cependant chaque membre peut, après un avertissement convenable, se retirer de l’association et demander le payement de sa portion dans les fonds communs de la société. Dans une société par actions, au contraire, aucun membre ne peut demander à la compagnie le payement de sa part, mais chaque membre peut, sans le consentement de la compagnie, céder sa part d’associé à une autre personne, et par là introduire dans la compagnie un nouveau membre. La valeur d’une part ou action dans une société de ce genre est toujours le prix qu’on en trouve sur la place, et ce prix peut être, sans nulle proportion, au-dessus ou au-dessous de la somme pour laquelle le propriétaire est crédité dans les fonds de la compagnie.

« Secondement, dans une société particulière de commerce, chaque associé est obligé aux dettes de la société pour toute l’étendue de sa fortune.