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Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/739

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clamation sentimentale, et les romantiques couplets sur Marie-Antoinette : « Je l’ai vue jadis brillante comme l’étoile du matin ». Je n’en retiens que les idées essentielles.

Le grand souci de Burke, c’est de couper toute communication historique entre l’Angleterre et la France de la Révolution. C’est à faux qu’on cherche dans l’histoire anglaise des précédents à la Révolution française. Oui, en Angleterre, le « long Parlement » a confisqué les biens des doyens et des chapitres comme la France vient d’exproprier les abbés et les moines. Mais le Parlement anglais faisait acte de défense, il ne mettait pas en cause tout le système de la propriété. Oui, l’Angleterre a eu sa Révolution où il a pu sembler que le peuple lui-même faisait choix du souverain. À la Restauration, après Cromwell et, plus tard, en 1688, ce sont bien les représentants de la nation qui ont pourvu à la vacance du trône. Mais lorsqu’ils réparaient ainsi une partie de l’édifice tombé en ruines, ils ne prétendaient pas faire prévaloir le principe électif.

« Incontestablement, il y a eu à la Révolution (en 1688), en la personne du roi Guillaume, une petite et temporaire déviation de l’ordre strict d’une succession régulière héréditaire, mais il est contre tous les vrais principes de jurisprudence de tirer un principe d’une loi faite dans un cas spécial, et concernant un individu : Privilegium non transit in exemplum. S’il y eut jamais un temps favorable pour établir le principe qu’un roi choisi par le peuple est le seul roi légal, c’est sans aucun doute le temps de la Révolution. Et que cela n’ait pas été fait à ce moment, c’est la preuve que la nation était d’avis qu’il ne fallait le faire en aucun temps. Il n’y a personne qui ignore assez complètement notre histoire pour ne pas savoir que la majorité du Parlement était si peu disposée à rien qui ressemblât à ce principe, que d’abord elle était déterminée à placer la couronne disponible non pas sur la tête du prince d’Orange, mais sur celle de sa femme Marie, fille du roi Jacques, la dernière née de ce roi, et que l’on reconnaissait comme indubitablement sienne. Ce serait répéter une histoire triviale que de vous rappeler toutes les circonstances qui démontrent que leur acceptation du roi Guillaume n’était pas proprement un choix, mais que, pour tous ceux qui ne désiraient point, en effet, rappeler le roi Jacques, ou plonger leur pays dans le sang, et jeter de nouveau leur religion, leurs lois, leurs libertés, dans les périls d’où elles s’évadaient à peine, c’était un acte de nécessité, dans le sens moral le plus strict où le mot de nécessité peut être pris. Dans l’acte même dans lequel, pour un temps et dans un cas singulier, le Parlement se départit de l’ordre strict de l’hérédité, en faveur d’un prince qui, sans être le plus proche, était cependant un des plus proches dans la ligne de succession, il est curieux d’observer comment lord Somers, qui présenta le bill appelé la Déclaration du Droit, s’est conduit en cette délicate occasion. Il est curieux d’observer avec quelle adresse la temporaire solution de continuité fut mise hors de vue… Nos ancêtres savaient bien qu’une élec-