Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/742

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l’ordre du monde et avec le mode d’existence assigné à un corps permanent composé d’éléments transitoires, puisqu’en lui, par la disposition d’une merveilleuse sagesse qui façonne en même temps la grande et mystérieuse incorporation de la race humaine, le tout, à un moment donné, n’est ni vieux, ni d’âge moyen, ni jeune, mais dans un état immuablement fixe ; il se meut à travers la diversité constante d’une décadence, d’une chute, d’une rénovation et d’une progression perpétuelle. Ainsi, gardant la méthode de la nature dans la conduite de l’État, là où nous améliorons nous ne sommes jamais entièrement nouveaux, et là où nous maintenons, nous ne sommes jamais entièrement surannés. En nous rattachant de cette manière et selon ces principes à nos ancêtres, nous sommes guidés, non par une superstition d’antiquaire, mais par un esprit d’analyse philosophique. En choisissant cette forme de l’héritage, nous avons donné à notre système politique quelque ressemblance avec les relations fondées sur la communauté du sang. Nous avons lié la constitution de notre pays de nos liens domestiques les plus chers ; nous avons accueilli et comme adopté nos lois fondamentales jusque dans l’intimité de nos affections de famille. Nous maintenons inséparablement unis et nous aimons de toute la chaleur de nos affections combinées et réfléchissant mutuellement leurs feux, notre système politique, nos foyers, nos sépulcres et nos autels.

« C’est notre plan de conformer à la nature nos institutions artificielles et de faire appel à ses sûrs et puissants instincts pour fortifier les faibles et faillibles inventions de la raison, et cette méthode, qui nous permet de considérer nos libertés dans la lumière de l’hérédité, nous procure d’autres et non moindres avantages. Agissant toujours comme en présence d’ancêtres canonisés, l’esprit de liberté, qui en lui-même conduit au dérèglement et à l’excès, se tempère d’une gravité respectueuse. Cette idée d’une origine libérale nous impose un sentiment d’habituelle et native dignité, qui prévient cette insolence de parvenu qui s’attache presque inévitablement et pour leur disgrâce à ceux qui sont les premiers acquéreurs d’une distinction publique. Par ces moyens, notre liberté devient une liberté noble. Elle prend un aspect imposant et majestueux. Elle a une généalogie et des ancêtres illustres.

« Elle a ses audiences et ses armoiries. Elle a sa galerie de portraits, ses inscriptions monumentales, ses archives, ses témoignages et ses titres. Nous procurons le respect à nos institutions civiles par les mêmes principes dont se sert la nature pour nous faire révérer les individus, à raison de leur âge et de ceux dont ils descendent. Tous vos sophistes ne peuvent rien produire qui soit mieux adapté à la sauvegarde d’une liberté rationnelle et virile, que la marche que nous avons suivie, nous qui avons fait de notre nature plus que de nos spéculations, de nos cœurs plus que de nos esprits, les grands conservateurs de nos droits et privilèges. »

À merveille, et voilà bien la première formule de ce naturalisme poli-