de liberté. Nous nous permettons d’imaginer comment lord Somers aurait agi, dans la lumière et les connaissances du xviiie siècle, comment les patriotes de France auraient agi, dans la tranquillité et l’opulence de l’Angleterre. Nous ne sommes pas tenus de copier la conduite à laquelle ces derniers ont été obligés par la banqueroute de leurs finances et la dissolution de leur gouvernement, pas plus que de maintenir les institutions que le premier a épargnées dans un temps de préjugés et de ténèbres. »
Ainsi, Mackintosh veut réaliser le fond de la Révolution française, mais selon la méthode graduée de l’Angleterre.
C’est bien par cette voie de réformes et d’évolution que l’Angleterre, mais avec quelle lenteur ! arrivera à un régime de presque complète démocratie, concilié, selon la prévision de Mackintosh, avec le maintien de la royauté et des lords. Mais, c’est bien du choc donné par la Révolution française que procède le vaste ébranlement qui, par des progrès successifs, échelonnés tout le long du xixe siècle, aboutira enfin à la souveraineté de fait du peuple anglais. Le ton pressant, impatient, et presque menaçant à la fin, d’un homme aussi mesuré que Mackintosh, marque bien que, dans les derniers mois de l’année 1791, une partie de l’opinion anglaise était tendue avec passion vers un grand changement.
Le succès extraordinaire du livre plus radical de Thomas Pain est encore un indice de la fièvre croissante des esprits. Thomas Paine, né en Angleterre, à Norfolk, avait émigré en Amérique en 1774. Et là, par des revues, par des journaux, il avait lutté pour l’indépendance des États-Unis. Son livre tout républicain, le Sens commun, avait eu beaucoup de retentissement en Amérique et en Europe. Il revint en Europe dix ans avant que la Révolution française éclatât ; il se lia, à Paris, avec plusieurs des hommes qu’agitaient déjà les idées nouvelles. De Londres il ne cessa de suivre avec passion le mouvement de la France, et c’est Paine qui fut chargé par Lafayette de remettre à Washington une clef de la Bastille.
D’emblée, c’est une pensée toute démocratique et républicaine qu’il tente de propager en Angleterre. Il s’y était lié d’abord avec Burke, qui était alors pour tous le whig éloquent et hardi, le véhément défenseur de l’indépendance américaine. Paine, préparé par les événements d’Amérique aux solutions grandes et simples, essaie de persuader à Burke qu’on ne réformera jamais le Parlement par le Parlement même, et le privilège par les privilégiés. Il lui suggère dès 1788 l’idée d’une convention nationale qui fera table rase. Qui sait si Paine n’ pas contribué à rejeter Burke dans le torysme en lui révélant brusquement les conséquences extrêmes du principe démocratique ? Il répondit avec quelque malaise aux suggestions de Paine. Mais quelle ne fut pas l’indignation de celui-ci quand Burke, en une explosion soudaine, se mit à maudire et anathématiser la Révolution française, à interpréter dans le