Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/181

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sur les pains qu’ils vendront une marque connue du commissaire de police de leur section afin de pouvoir constater et poursuivre les fraudes qui pouvaient se commettre sur le poids des pains…

« Enfin le Conseil, informé que depuis quelques jours les boulangers ont augmenté le prix du pain, a arrêté, après une mûre délibération, que le pain est taxé à 12 sous les 4 livres, sauf à accorder une indemnité aux boulangers s’il y a lieu.

« Ce dernier arrêté a été sur-le-champ imprimé, affiché, envoyé aux sections et proclamé par les commissaires des sections. »

Dans la séance du 7 février « les boulangers de Paris demandent le rapport de l’arrêté qui fixe à douze sous le prix du pain de quatre livres. Le Conseil passe à l’ordre du jour, et, adjoint un commissaire à ceux déjà nommés, à l’effet de solliciter de la Convention nationale une avance de 4 millions pour mettre la Commune de Paris en état de payer aux boulangers les indemnités qui peuvent leur être dues. »

Et quoique la Convention eût autorisé immédiatement cet impôt, selon un tarif progressif qui exemptait les revenus au-dessous de 900 livres, et qui s’élevait ensuite par degrés d’une cote et demie d’habitation à 15 cotes, la situation restait obscure. Les pauvres restaient à la merci d’une nouvelle baisse des assignats : et qui sait d’ailleurs si le système des indemnités aux boulangers pourrait fonctionner longtemps ? Les boulangers résistaient. Garat dit, dans son rapport du 13 à la Convention :

« Il y a quelques jours les boulangers ont voulu augmenter d’un sou le pain de 4 livres ; la Commune s’y est opposée, et se trouvant sans fonds elle n’a pu continuer ses sacrifices : voilà la véritable cause des craintes que l’on a fait paraître sur les subsistances. »

Le mouvement n’était donc pas factice, mais il est certain qu’il n’aurait eu ni la force ni la suite qu’il eut en février, s’il n’avait pas été organisé. Une sorte de parti social se formait qui voulait mettre au premier plan les problèmes économiques. Il voulait dénoncer et combattre à fond l’accaparement sous toutes ses formes. Deux hommes surtout semblent avoir, en février, suscité et discipliné le mouvement. C’est le jeune Varlet et le prêtre Jacques Roux. Varlet n’avait guère que vingt ans, mais il était dévoré par une inquiétude d’action et de vanité. N’étant pas encore éligible, il cherchait à agir hors des Assemblées et sur elles. Il avait pris part à toute l’agitation qui précéda le Dix-Août, puis il avait installé dans le jardin des Tuileries une tribune en plein vent d’où il haranguait le peuple. Il obsédait la Convention et la Commune de pétitions, il se multipliait dans les sections. La grande crise des prix qui, à la fin de 1792 et au commencement de 1793, remuait tant d’intérêts et de passions, était pour lui une occasion d’apparaître excellente. C’était en quelque sorte une plateforme neuve et où ni Robespierre ni Marat n’étaient montés. C’était pour les impatients une percée nouvelle à