Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/210

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talistes qui ne savent que faire des fonds immenses produits par les liquidations quand cette misère publique est soumise aux spéculations politiques de cet amas de brigands qui veulent la contre-révolution, qui la veulent par le désespoir du peuple.

« Ce résultat, citoyens, et ce résultat seul est aperçu, senti par le peuple. Il ne faut pas exiger de lui qu’il puisse aujourd’hui remonter jusqu’aux causes, et qu’il attende avec patience un temps, même peu éloigné, où l’abondance et la paix reviendront. Le pauvre a fait, comme le riche, et plus que le riche, la Révolution. Tout est changé autour du pauvre, lui seul est resté dans la même situation, et il n’a gagné à la Révolution que le droit de se plaindre de sa misère.

« Citoyens, c’est à Paris surtout que le pauvre est trop pauvre ; c’est à Paris surtout que son désespoir s’aigrit de la désespérante proportion qui existe entre le riche et lui…

« Citoyens, le pauvre, le riche, tout être raisonnable ne change de situation, ne fait une révolution que pour être heureux. La Révolution, en procurant au riche la liberté, lui a donné immensément ; elle a aussi donné au pauvre la liberté, l’égalité, mais pour vivre libre, il faut vivre, et s’il n’existe plus de proportion raisonnable entre le prix du travail du pauvre et le prix des denrées nécessaires à l’existence le pauvre ne peut plus vivre.

« Rétablissez, citoyens, cette salutaire proportion. Faites plus ; faites que cette proportion change le bienfait de la Révolution à l’avantage du pauvre ; c’est le seul moyen de lui faire aimer la Révolution, c’est le seul moyen de donner au pauvre l’espoir de devenir un jour propriétaire, et peut-être la Révolution ne sera-t-elle véritablement consolidée qu’à cette heureuse époque ; alors le pauvre cessera de se regarder comme LOCATAIRE DANS SA PATRIE.

« C’est dans votre sagesse que vous trouverez ces moyens. Vous aborderez et vous trouverez une loi qui puisse atteindre enfin et frapper les accapareurs ; vous trouverez un moyen qui, ne laissant dans la circulation que le nombre d’assignats égal aux besoins du commerce, maintienne leur crédit et leur valeur, vous aurez de grands travaux qui, procurant du travail aux pauvres, offriront de grands avantages au commerce ; nos armées feront le reste. »

C’était en somme une demi-revanche pour Jacques Roux ; il pouvait dire : « Puisque tels sont les maux du pauvre, pourquoi prétendre que le mouvement du 25 février n’a pu être spontané ? Et, quant aux remèdes que vous demandez, ou ils seront lointains et vagues, ou ce sera l’abolition de la monnaie d’argent, la taxation générale des denrées, et des lois pénales contre les monopoleurs, c’est-à-dire mon programme. » Chaumette pourtant n’osa ni demander ni désavouer cette taxation des denrées qu’Hébert répudiait à ce moment même dans le Père Duchêne.