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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/236

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de restreindre l’armée française dans le pays de Liège, d’annuler dans toute la Belgique le décret du 15 décembre, d’offrir aux peuples de s’assembler comme ils voudraient à Alost, à Anvers, ou Gand, pour se donner une forme solide de gouvernement, telle qu’elle leur conviendrait ; alors de rassembler un certain nombre de bataillons belges, à huit cents hommes chacun, qu’il comptait porter à quarante mille hommes, d’y joindre de la cavalerie, de proposer aux Impériaux une suspension d’armes ; s’ils la refusaient, il comptait avec plus de cent cinquante mille hommes les chasser au delà du Rhin ; s’ils l’acceptaient, il avait plus de temps et de moyens pour exécuter le reste de son projet qui était, ou de former une république des dix-sept provinces, si cela convenait aux deux peuples, ou d’établir une alliance offensive et défensive entre les républiques belge et batave, si la réunion ne leur convenait pas ; de former entre elles deux une armée de quatre-vingt mille hommes jusqu’à la fin de la guerre ; de proposer à la France de s’allier avec elles, mais à condition qu’elle reprendrait la Constitution de 1789, pour faire cesser son anarchie, et en cas de refus, de marcher sur Paris avec les troupes de ligne françaises et quarante mille Belges et Bataves, pour dissoudre la Convention et anéantir le jacobinisme… Ce projet, s’il eût réussi, eût terminé la guerre et sauvé la France. »

Ici, Dumouriez ne trompe pas, c’était à coup sûr son plan, ou du moins c’était un de ses plans. Il n’était pas aussi chimérique qu’il peut sembler tout d’abord. Il est certain que la Belgique était, presque toute, lasse des commissaires envoyés par la Convention et par le pouvoir exécutif, et qui appliquaient le décret du 15 décembre avec une imprudence qui faisait trembler Robespierre. Sans doute, par l’abolition proclamée des impôts, des droits féodaux, ils essayaient d’amener à eux les paysans belges. Mais ceux-ci, très défiants, se demandaient si ces avantages étaient bien solides. Au premier revers des Français, l’ancien régime pouvait reparaître, et tandis que la Révolution ne leur apportait que des bienfaits peut-être précaires qu’ils n’avaient pas su conquérir eux-mêmes et qu’ils n’étaient pas sûrs de garder, elle les blessait au vif en saisissant l’argenterie des églises, en enlevant les objets du culte, en remettant à la France, au moins comme dépôt, les biens d’Église sur lesquels vivait une énorme clientèle de mendiants et de pauvres. Ils redoutaient aussi d’être envahis par l’assignat discrédité. La Révolution, n’ayant pu procéder tout de suite en Belgique à la vente des biens d’Église, qui peut-être, dans la tourmente de la guerre et l’incertitude du lendemain, n’auraient pas trouvé d’acquéreurs, n’avait pu prendre racine. On ne vendait guère que le mobilier, et encore dans les pays de langue française. Aussi les Belges se détournaient de la Révolution et, comme en même temps, ils détestaient l’ancien régime autrichien qui avait porté atteinte à leurs franchises traditionnelles et qui avait déjà inquiété leur foi que menaçait maintenant la Révolution, il est fort possible qu’ils se fussent accommodés de former avec