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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/24

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la tête du roi que pour faire tomber la tête de leurs adversaires. Robespierre, exaspéré, se répandait aux Jacobins en paroles implacables.

Cependant, à travers toutes ces intrigues, le procès du roi avançait lentement. L’acte énonciatif d’accusation était prêt enfin. Il était fondé sur les actes publics du roi depuis l’origine de la Révolution et sur les papiers trouvés aux Tuileries. À ceux qui avaient été trouvés dès le 10 août s’étaient joints ceux que Roland, sur les indications du serrurier Gamin, avait découverts le 20 novembre. Louis XVI avait fait pratiquer dans un mur, derrière un panneau, un trou fermé par une porte de fer ; et c’est dans cette « armoire de fer », qu’il cachait des lettres, mémoires et documents. Le serrurier qui avait fait l’armoire, épouvanté de son secret, s’était décidé, après trois mois d’hésitation et d’angoisse, à tout révéler au ministre de l’Intérieur. Roland, en procédant à la saisie des papiers, commit une faute terrible. Avec son habituel orgueil, et son impatience de tout contrôle, il opéra seul. Il ne se fit adjoindre aucun des membres de la Commission chargée de classer et d’étudier les papiers déjà trouvés. Il se réservait ainsi de faire devant la Convention un coup de théâtre. Mais aussitôt, un soupçon formidable s’éleva, et auquel il s’était mis lui-même dans l’impossibilité de répondre.

Qui sait s’il n’a pas fait un choix parmi ces papiers ? Qui sait s’il n’a pas éliminé ceux qui pouvaient compromettre ses amis ? Il les avait lus avant de les porter à la Convention, puisque lui-même déclara lourdement que « plusieurs membres de la Constituante et de la Législative paraissaient y être compromis ». Il avait donc pu faire un triage. Le bureaucrate vaniteux et sot ne pouvait opposer à ces soupçons terribles que « sa vertu ». À vrai dire, on peut tenir pour certain qu’il n’avait détourné aucun document. Mais quelle étourderie chez ce censeur implacable et chagrin, et comme il était temps qu’il disparût ! Mme Roland reconnaît la faute commise :

« Il se conduisit en homme probe et sans défiance ; il n’agit point en politique qui prévoit tout et ménage les amours-propres. Roland n’a point de tort réel dans cette affaire ; mais il y a une faute de conduite et de précaution. »

Au fond, les papiers de l’armoire de fer ajoutèrent peu de chose aux charges qui pesaient sur Louis XVI. Son grand crime, c’est d’avoir trahi la Révolution et la France. C’est d’avoir manqué à la parole que bien des fois il avait donnée à la nation. Or ce crime était suffisamment démontré par toute la conduite de Louis XVI depuis 1789.

« Louis, le peuple français vous accuse d’avoir commis une multitude de crimes pour établir votre tyrannie en détruisant sa liberté. »

Et, sur ce thème, l’acte énonciatif rappelait le 17 juin, la marche des troupes royales au 14 juillet, la fuite à Varennes, le massacre du peuple au 10 août.

Ce que les papiers trouvés aux Tuileries établissaient, c’est que Louis XVI