Aller au contenu

Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ils ont bien repoussé le sieur Valence que voulait nommer la faction par l’organe de Brulard dit Sillery. Ah ! qui d’entre eux ne savait parfaitement que Valence, ancien valet de Cour, est l’âme damnée de Dumouriez, le généralissime gallo-prussien, le duc avorté du Brabant, que nous avons la sottise de maintenir à la tête de nos armées ? Peut-être auraient-ils dû s’unir pour nommer Bouchotte au département de la guerre : je dis peut-être, car je ne le connais pas assez pour garantir ses talents et son civisme ; mais à coup sûr, il vaut infiniment mieux que Beurnonville que je connais par plusieurs traits d’incivisme pendant son généralat, par ses ménagements pour les Autrichiens et par sa dureté pour les soldats de la patrie. »

Enfin, le 27 février, c’est-à dire quatre ou cinq jours à peine avant qu’arrivent les terribles nouvelles de Belgique, Marat publie sous le titre : Dumouriez tout entier, un acte complet et méthodique d’accusation, signé de Philippe Tompson, membre de l’académie des belles lettres de Londres, Paris et Berlin. Tout le numéro de ce jour y est consacré. C’est un tissu d’allégations exactes, et de fantaisies extravagantes. Ainsi, selon ce libelle, la victoire de Jemmapes n’est qu’une pièce dans un système de trahison :

« Mais quelle fut la douleur de mon Dumouriez lorsqu’il apprit la chute de son idole Louis Capet ! Ô désespoir, tu ne fus jamais mieux qu’alors dans l’âme de Dumouriez ; il fallut chercher des moyens pour sauver Louis XVI ; une invasion dans la Belgique était nécessaire pour s’emparer de quelques caisses ecclésiastiques, parce que l’argent manquait depuis la mort de la liste civile, une entrevue avec l’adjudant du roi de Prusse Bischopswerden suffit pour arranger cette contrée, les ennemis se retirent de ce côté-là, et la ville de Liège assiégée et soutenue par nos Belges avec un courage héroïque, fut délaissée par les troupes impériales afin de se retirer sur Tournay et sur Mons. Dumouriez négocia avec les chefs autrichiens à Jemmapes une convention dont voici les principaux articles (ce M. Tompson, membre de trois académies, ne manque vraiment pas d’audace, et Marat lui-même, malgré son goût pour l’étrange et l’occulte, devait éprouver quelque doute) :

« 1o Il importe au sort de Sa Majesté le roi de France, que les troupes impériales se retirent de la Belgique pour donner au général Dumouriez davantage d’influence et de considération en France, afin de former un parti considérable pour empêcher la mort de Louis XVI, sous le prétexte de bannissement ;

« 2o Avant de rendre le poste de Jemmapes, il sera fait une résistance très forte, mais si le courage venait à manquer aux Français, alors les troupes de Sa Majesté Impériale se retireront afin de rendre la Belgique, en tirant seulement quelques coups de canon pour la forme ;

« 3o Le général Dumouriez profitera de son entrée dans la Belgique pour mécontenter le plus possible le parti patriote, toutes les vexations seront em-