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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/296

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« Sans-culottes, mes amis, je ne cesse de vous dire que l’on vous fout dedans, que l’on cherche à allumer la guerre civile, et malgré mes bons avis, vous tombez comme des buses dans les panneaux qu’on vous tend. Songez que vous êtes environnés de traîtres qui prennent toutes sortes de masques pour vous tromper. Ce n’est pas pour des prunes, foutre, que quinze mille émigrés sont rentrés dans Paris ; s’ils n’avaient été certains de vous y faire plus de mal qu’en restant à Coblentz, ils n’auraient pas bravé la guillotine pour venir ici brouiller les cartes.

« Ce sont eux, foutre, qui en entendant gémir le peuple sur la cherté des subsistances, ont pris des habits d’ouvriers et se sont répandus dans les faubourgs et dans les marchés pour conseiller aux sans-culottes de piller les magasins et les boutiques ; le pillage s’est fait, et mes jean-foutres ont disparu pour aller chercher d’autres costumes. Celui qui à la place Maubert était déguisé en charbonnier a paru ensuite au ci-devant Palais-Royal en habit noir, coiffé d’une perruque de financier, la canne à bec de corbin à la main ; c’est là qu’il est allé de café en café vilipender les sans-culottes, et reprocher à la municipalité de ne pas protéger les personnes et les propriétés.

« Avec cette manœuvre infernale, cinq ou six cents jean foutres répandus dans les différents quartiers ont mis Paris sens dessus dessous ; les rolandins et les brissotins qui conduisaient cette marche ont saisi la balle au bond « Voyez, ont-ils dit, comme on conduit le peuple de Paris ; voyez si la Convention est en sûreté au milieu de ces anarchistes, de ces désorganisateurs. Les départements souffriront-ils que leurs représentants restent dans une ville où règnent de pareils désordres ? »

« Le peuple heureusement a reconnu son erreur, et il a démenti les brissotins, en rentrant dans l’ordre. »

Ainsi, pour Hébert, les agitations de mars ne sont que le prolongement de celles de février. Il insiste dans le no 223 :

« Je frémis, foutre, quand je songe que les vingt mille jean-foutres qui ont signé la pétition de Lafayette sont encore dans Paris, que les émigrés y arrivent par milliers, que des meutes de mouchards soudoyés par l’Angleterre brouillent les cartes et remuent ciel et terre pour exciter la guerre civile. N’accusons que cette foutue canaille de tous les troubles qui nous tourmentent. Oui, foutre, quand on nous dit : pillez, égorgez, suivons les gredins qui font de pareilles motions et nous découvrirons que ce sont ou des calotins ou de ci-devant nobles, ou des galopins de ci-devant procureurs, ou des laquais, ou des goujats ci-devant rats-de-cave. Voilà nos véritables ennemis, je ne redoute que ceux qui pourront nous diviser. »

Les calotins, est-ce pour l’abbé Jacques Roux ? En tout cas, en mars comme en février, Hébert continue la guerre aux Enragés. Et les Jacobins aussi, après le 10 mars comme après le 25 février, envoient aux sociétés affiliées une adresse solennelle où ils écartent d’eux toute solidarité avec les