Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/306

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rains, et ce n’était pas pour restaurer le culte catholique, c’était pour rétablir dans l’ordre civil le principe d’autorité que les rois intervenaient. Ce qu’il y avait de spontanéité plébéienne et de fanatisme paysan dans les premiers soulèvements du Poitou et de l’Anjou allait donc être absorbé rapidement par l’idée monarchique et féodale. En Vendée, l’armée du Centre prend d’emblée le nom d’armée « catholique royale », et peu à peu ce nom s’étendra à toutes les armées de l’Ouest. La religion ne réclame donc pas sa part de liberté dans l’ordre nouveau. Elle réclame sa part de privilège dans l’ordre ancien.

Ce n’est pas que tout d’abord le mouvement soit discipliné et centralisé. Chaque région avait son armée distincte, qui entendait garder son autonomie. Dans un même département, il y avait plusieurs armées indépendantes : celle de la Basse-Vendée, puis celle de Centre. D’un autre côté se formait l’armée d’Anjou. Enfin, dans la région nantaise il y avait un autre centre d’insurrection. Charette et Joly, ces deux rivaux implacables, étaient en Vendée, chacun avec sa bande. Stofflet opérait dans l’Anjou. Chacun des chefs essayait de mettre un peu d’ordre dans l’anarchie du mouvement paysan. Ainsi, en Vendée, les chefs de l’armée du Centre, unis « aux commissaires des 21 paroisses » établissent un rudiment d’organisation.

« Il sera fait en chaque paroisse un conseil de trois à neuf membres, suivant la population. — Tous ceux dont les sentiments et la conduite ont été reconnus mauvais, pendant la malheureuse révolution qui a désolé la France, ne seront point élus aux conseils ; tous les autres seront nommés par acclamation, et non au scrutin. — Nul homme ne peut prendre le titre de général ou commandant d’armée, ni être déclaré chef d’armée ou de troupes s’il n’a des pouvoirs émanés de généraux avoués et reconnus en cette qualité. — Quiconque s’arrogerait le titre de général, de commandant ou de chef de troupe, serait arrêté par la force armée. »

« C’est au Carrefour de l’Oie que fut délibéré ce règlement. Il servit de base à l’institution des conseils de paroisse substitués dans les communes insurgées aux anciennes municipalités, mais bientôt le conseil supérieur de Châtillon abolit ce système, « considérant que, dans plusieurs endroits, les conseils s’étaient formés par des élections populaires incompatibles avec les vrais principes du gouvernement monarchique. » Mais ce n’est qu’en tâtonnant et à travers de terribles rivalités de personnes que les forces vendéennes arrivaient à un commencement d’organisation et d’unité. Dans cette confusion pourtant une tactique se dégage. Elle consiste d’abord à semer l’épouvante, à terroriser les patriotes par d’abominables cruautés. Certes, il y eut un prodigieux déchaînement des instincts de meurtre chez ces paysans égoïstes et fanatisés. Tuer était pour eux une âpre joie, une volupté farouche. Le docteur Guépin, de Nantes, a raconté ceci à M. Élie Sorin (Histoire de la République française) :