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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/328

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mis extérieurs si nos ennemis intérieurs peuvent impunément lever la tête au sein de la France.

« Il faut donner la chasse à tous les aristocrates ; il faut que les départements fidèles tombent sur les départements gangrenés ou corrompus ; il faut que les défenseurs de la patrie marchent sous des chefs patriotes ; et pour cet effet, il faut destituer tous les généraux suspects et tous les citoyens qui ont souscrit à des actes d’incivisme…

« …Il faut en un mot, que la nation se lève, et qu’elle extermine ses ennemis, en respectant seulement la représentation nationale. »

Le lundi 1er avril, aux Jacobins, il insiste :

« Il faut trouver le salut de la patrie dans le génie du peuple et dans la vertu de la Convention.

« — Dans la force du peuple, s’écrie un membre.

« — Je ne parle pas par interprète, je ne dis que ce que je veux dire. La République ne peut être sauvée par une boutade, par un mouvement partiel et inconsidéré. Il existe encore, dans ce moment, une ressource à la liberté, c’est la lumière, c’est la véritable connaissance des moyens de salut, et je vous dis, dans la vérité de mon cœur, que la plus fatale de toutes les mesures serait de violer la représentation nationale. »

Ainsi épurer les armées, organiser sérieusement dans les sections la surveillance des menées contre-révolutionnaires, inviter les départements patriotes à envoyer des forces dans l’Ouest, profiter de la crise pour discréditer la Gironde et lui arracher tout pouvoir politique, toute influence dans les comités, sans l’exclure toutefois de la Convention et sans faire brèche à la représentation nationale : voilà la politique de Robespierre : et le Patriote français qui dénonce l’appel aux départements patriotes comme un signal d’assassinat, oublie que les patriotes vendéens demandaient, en effet, des secours à tous les révolutionnaires des régions voisines. Au fond, Robespierre avait, dans la nouvelle crise, la même tactique qu’avant le Dix-Août. Alors aussi, il déconseillait la violence : il pensait que l’union, l’action légale et concertée des patriotes obligeraient la Législative à faire tout son devoir, à convoquer une Convention nationale qui, sans émeute, sans assaut aux Tuileries, avec toute la force du peuple et de la loi, résoudrait le conflit de la Révolution et de la royauté.

Alors comme aujourd’hui, il déconseillait les « mouvements partiels », c’est-à-dire, au fond, l’insurrection, car il n’y a jamais d’insurrection totale. Mais il se résigna enfin à la « boutade » du 10 août comme il va se résigner bientôt à la « boutade » du 31 mai et du 2 juin. Mais, que ce fût par la force légale ou par la force insurrectionnelle, les Jacobins voulaient en finir avec la Gironde. Danton pouvait être tenté, dès son retour à Paris, de donner, lui aussi, à fond contre les Girondins. C’était pour lui la diversion décisive. Il comprenait bien que la défaite et la trahison de Dumouriez l’avaient ébranlé,