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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/360

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« Philippeaux, dit le Patriote français, n’a trouvé d’autre moyen de salut public qu’une embrassade des deux partis, sauf à se déchirer le lendemain. Bien plus, il voulait que les membres inculpés par Robespierre embrassassent leur dénonciateur. Tout cela est très évangélique, mais n’est ni politique, ni républicain… Cette homélie de Philippeaux a fait passablement bâiller son auditoire. »

Toutes les fois, depuis mars, que Barère prononce un de ces discours sysmétriques où il se complaisait, la Gironde proteste :

« Barère a prononcé un discours où régnait cet esprit de conciliation qui ne concilie pas, parce que le crime ne peut s’allier avec la vertu, ni la loi avec le brigandage, ni l’ordre avec l’anarchie, parce qu’il ne s’agit pas d’opinions, mais de faits ; parce que ce n’est pas rapprocher les extrêmes que de les nier. »

Voilà ce que disait le Patriote français du 22 mars, et c’est ce qu’il répétera le jour même du 31 mai, au plus aigu de la crise, dans son antépénultième numéro.

« C’est dans le tableau de l’intérieur que Barère a déployé son caractère ordinaire ; il y a, suivant son usage, déchiré et caressé les anarchistes et les républicains amis de l’ordre. C’est un sûr moyen pour recevoir des applaudissements des deux côtés… Combien sont criminels les hommes qui travestissent et rendent odieuses les intentions des meilleurs républicains ! Barère a peint sous des couleurs adoucies l’anarchie, sous des couleurs fausses le vrai républicanisme ; mais il a oublié de peindre ces hommes qui, pour jouer un rôle, affichent la neutralité, caressent tous les partis, afin d’être portés par tous aux honneurs et aux places ; ces hommes qui, n’osant attaquer le mal dans la racine, emploient sans cesse les palliatifs, et par les palliatifs aggravent la plaie ; ces hommes qui, sans courage comme sans moyens, aspirent à tout et n’achèvent rien. Voilà les hommes qui, dans toutes les révolutions, ont perdu la liberté, en amollissant les passions, en efféminant les caractères. »

Non, non, pas de tiers parti, pas de conciliation ambiguë ; la pleine bataille est voulue par tous, et on souffre un peu de voir Danton attardé dans des ménagements où il y a peut-être un commencement de lassitude, la hautaine et faible pitié d’un homme que déjà les événements ont meurtri. C’est de ces jours d’incertitude, où le peuple a eu l’instinct que Danton tout ensemble lançait et retenait les forces de la Révolution, que date le premier discrédit, imperceptible encore, du grand révolutionnaire.

Robespierre ne s’était pas d’abord risqué aussi loin que le fit Danton au 1er avril devant la Convention, et le 5 avril devant les Jacobins. Sa démarche était plus mesurée, mais elle était plus égale, et pas un moment il ne donna l’impression qu’il ménageait ceux que la Révolution voulait perdre. Hébert, en se jetant de toute sa verve dans la lutte contre la Gironde,