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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/388

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tous portés en masse au Contrat-Social. Là ils ont fait la loi, ils ont cassé un commissaire de police nommé à la très grande majorité. Ils ont fait prendre tous les arrêtés révolutionnaires qu’il leur a plu ; enfin ils ont fait arrêter que le Contrat-Social serait tenu d’adopter le mode définitif de recrutement qui lui serait présenté, ou sinon… Ce brave cortège s’est retiré à minuit. »

Les fonctionnaires sans-culottes des sections couraient de l’une à l’autre pour porter le mot d’ordre, pour s’informer des points faibles où il convenait d’envoyer du renfort :

« Ces mêmes hommes (ceux que Dutard appelle les espions à 40 sous par jour) sont destinés encore à porter les ordres d’un comité de surveillance à l’autre, de proche en proche, de manière que s’il arrive quelque chose dans une section, la section voisine en est bientôt instruite, et si les sans-culottes d’une section ne sont pas assez forts, ils appellent ceux de la section voisine. C’est ce qu’a fait ma section avant-hier soir, et ce qu’elle a arrêté solennellement hier soir comme de sûreté générale (14 mai). »

Ce sont les sections des Lombards et de Mauconseil qui avaient donné l’exemple, dès le 15 avril, pour « un procès-verbal de réunion » où elles s’étaient promis « et juré union, fraternité et assistance dans tous les cas où l’aristocratie voudrait anéantir la liberté ». La section des Amis de la Patrie avait, une des premières, adhéré à ce pacte, et toutes les sections avaient été sollicitées de conclure la même fraternité, de donner l’accolade de paix au président de chaque section et de jurer assistance et secours pour écraser les « perturbateurs de l’ordre public ». Dutard constate l’effet de terreur produit sur les modérés par cette coalition des sans-culottes.

« Ce qui a pu aussi, écrit-il le 15 mai, dérouter les propriétaires de ma section, c’est l’espèce de fédéralisme établi entre les enragés qu’elle contient et ceux de la section Mauconseil. Avant-hier les modérés prévalaient dans cette dernière, les enragés ont demandé secours à ceux du Contrat-Social, et ceux-ci ont volé à leur secours. »

Le journal girondin, le Patriote français, sent bien le péril de cette manœuvre et il la dénonce violemment, le 19 mai :

« Les anarchistes emploient tous les moyens pour regagner le terrain qu’ils ont perdu dans les sections. À la faveur de deux ou trois qui leur sont restés fidèles, ils envoient dans les autres des députations, qui ont soin d’arriver lorsque les séances sont sur le point de finir, et par conséquent peu nombreuses ; et ils escamotent souvent, arrachent plus souvent encore des adhésions. Il y a quelques jours, Varlet, l’agitateur des boues de Paris, accompagné d’une députation de la section des Sans-Culottes, arriva, à onze heures et demie du soir, dans la section du Panthéon-Français et prêcha longuement les douceurs d’une nouvelle insurrection et les jouissances d’un massacre général. Quoiqu’il y eût peu de monde à la séance, Varlet échoua complètement et fut obligé de se retirer, couvert de honte. Le lendemain, la