Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/480

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plus raffinée et plus précise les rêveries que je vous ai transmises sur ce que je ferais si j’étais Jacobin. Il n’a pas obtenu beaucoup d’applaudissements. » C’est sans doute cette prédication insurrectionnelle, installée à quelques pas des Tuileries, qui décida la Commission des Douze à l’arrêter. Elle n’était pas fâchée d’ailleurs de lier à la cause d’Hébert celle de Varlet, à demi suspect au peuple lui-même.

Dutard ajoute, en parlant de Varlet :

« On vient de m’apprendre que lui et six autres sont en état d’arrestation. Or, voulez-vous savoir ce que le peuple dit à l’égard de ces aboyeurs subalternes ? Eh bien ! tant mieux, ils nous embêtent ; on fait fort bien de les foutre dedans ; si on les y foutait tous, peut-être qu’ils nous laisseraient tranquilles et que les affaires en iraient mieux. »

Notez que Dutard ne cherche nullement à endormir Garat, il s’applique, au contraire, à l’effrayer, à le tenir en haleine. Qu’on rabatte donc ce qu’on voudra du propos du policier : il reste que l’arrestation de Varlet ne causait guère d’émoi ou même qu’elle était approuvée de plus d’un.

Je lis, dans le compte rendu de la séance de la Commune du 25 mai (Chronique de Paris), ce passage suggestif :

« Après qu’on s’est occupé d’Hébert, quelques sections réclament en faveur du citoyen Varlet ; on observe qu’il ne faut pas mettre en parallèle ces deux citoyens. »

Et lorsque, le 28, Hébert relâché reviendra à la Commune, il sera obligé, en présentant lui-même Varlet, de dire avec insistance, que lui aussi a droit à être protégé. Visiblement, la Commune et la plupart des comités révolutionnaires ne demandaient qu’à faire, autour de son nom, le moins de bruit possible. On le jugeait au moins compromettant. Pour Hébert, le mouvement de protestation est beaucoup plus vif ; et si la Commission des Douze avait voulu faire tomber sa tête, il y aurait eu, sans doute, un soulèvement violent.

Dutard écrit dans la journée du 25 mai :

« L’esprit du peuple est des meilleurs ; frappez vos coups avec mesure, évitez le sang. Le parti d’Hébert pourrait soulever le peuple. Je crois cependant qu’il ne s’y déciderait qu’aux extrêmes. De l’indulgence ! Mais si on pouvait le retenir quelques jours, cela ferait un grand bien. Il est bon que vous sachiez ce que, dans une circonstance telle que celle où nous sommes, il se passera, lorsque Hébert sortira de prison ou des arrêts : c’est qu’il sera tout honteux, il voudrait inutilement simuler l’enragé, le peuple ne l’en croirait pas. Il est une espèce de marque d’infamie gravée sur le front de quiconque est frappé par la loi, et qui, après avoir déployé une jactance outrée, finit par échouer et se montrer le plus faible. Le peuple hait la faiblesse autant que la poltronnerie. Lorsqu’un arbre est abattu, tout le monde court aux branches. Je ne sais si je me fais entendre. »