Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/493

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C’est sur un ton d’ironie âpre, mais moins pesante, que le Patriote Français parle le lendemain de cette manifestation des femmes :

« Hier, ces dames se sont levées tout entières ; elles ont promené une belle bannière et un beau bonnet rouge ; elles ont chanté les litanies de Marat, en attendant le requiem des Brissotins. Elles voulaient produire une insurrection générale des hommes ; mais aucun ne s’est levé ; et ces dames ont été se coucher. La partie est remise à aujourd’hui. »

Dutard, malgré ses prétentions à la philosophie, est moins pédant et moins sot que Perrière.

Le Conseil de la Commune fut averti sur l’heure, dans sa séance du 26 : « Des citoyennes portant une bannière font des proclamations dans les rues, et invitent les passants à se porter à l’Abbaye (pour délivrer Hébert). »

Le Conseil de la Commune si prudent jusqu’ici, si soucieux d’éviter les irréparables démarches insurrectionnelles, n’allait pas se commettre dans cette aventure. « Le président déclare qu’il prendra toutes les précautions pour prévenir les troubles et les rassemblements. »

Visiblement, ce n’est pas de la Commune paralysée par la légalité, c’est des sections les plus révolutionnaires et les plus ardentes, délibérant hors du contrôle des autorités constituées, que partira le signal décisif. Aux Jacobins, Marat et Robespierre commencèrent, ce soir-là, à hausser le ton.

Je ne sais pourquoi M. Aulard a donné de cette séance un compte rendu beaucoup plus sommaire et beaucoup plus faible que celui que donne l’Histoire parlementaire de Buchez et Roux (en partie d’après le journal de Gorsas). Marat rabroue ceux qui s’attardant à ce que fut naguère la méthode robespierriste, dénoncent les intrigues girondines. La lumière est faite dès longtemps ; il faut agir maintenant, il faut combattre :

« Entreprendre de démasquer la faction des hommes d’État, ce serait perdre du temps. Elle est suffisamment connue ; mais il importe de dévoiler ses complots criminels. C’est en abusant des mots, c’est en leur donnant une fausse application, que les hommes d’État sont arrivés à faire illusion et à arrêter l’indignation des bons citoyens ; c’est en appelant républicains purs les fantômes du despotisme et les suppôts de la tyrannie, qu’ils ont soulevé contre les patriotes tous les aristocrates des sections. L’autre jour, ils appelèrent à la barre les aristocrates de trois sections ; aujourd’hui, ils ont appelé les agioteurs de la section du Mail pour donner quelque consistance à leur calomnie contre les prétendus auteurs d’un complot ourdi contre la représentation nationale, complot qui n’existe que dans leur tête. Il est important de se réunir demain pour barrer leurs projets. Il est important de faire anéantir la Commission extraordinaire des Douze, dont le projet est de livrer au glaive de la loi les amis énergiques du peuple ; il faut que toute la Montagne se soulève contre cette indigne Commission, qu’elle soit vouée à l’exécration publique et anéantie sans retour. »