Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/495

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

intrigants qui ont fait le malheur de la France, et s’il voulait nommer un gouverneur au prince royal, de manière que si cette proposition eût été acceptée, le peuple était pour jamais rattaché à la tyrannie. Il faut savoir que cet homme hypocrite est celui qui s’opposa à la déchéance du roi lorsqu’elle était demandée par les plus chauds patriotes. D’après cela, vous devez juger la faction dont il est l’âme. Partout, elle rappelle la royauté du tombeau ; partout, elle aiguise les poignards contre les patriotes. »

Mais Robespierre comprend, quelque goût qu’il ait pour cette politique des réquisitoires, qu’il n’est plus possible de s’attarder ou de se borner à ces récriminations. Il faut montrer une issue. Il rassure le peuple, il ranime son courage et son espoir. Il lui fait entrevoir la possibilité, la nécessité peut-être d’une insurrection prochaine et directe ; puis il atténue peu à peu cette insurrection du peuple en une sorte d’insurrection de ses représentants à la Convention elle-même. Il me semble que jusque dans le résumé un peu grossier, sans doute, qui nous est parvenu, ces habiletés subtiles, ces dégradations de teintes, cet évanouissement de l’insurrection en légalité se révèlent encore à l’esprit attentif.

« Ne vous effrayez pas de cette foule d’adresses qui vous sont envoyées par les marchands contre-révolutionnaires, par les négociants royalistes. Quand le peuple se lève, tous ces gens-là disparaissent. Que le triomphe momentané de l’aristocratie ne vous effraie pas davantage que le succès des intrigants dans quelques sections corrompues. Le faubourg Saint-Antoine écrasera la section du Mail, comme les sans-culottes de Bordeaux écraseront les aristocrates. Songez que le peuple de Paris existe encore, que les aristocrates sont innombrables. Vous devez vous prémunir contre les tours du brissotisme. Les brissotins sont adroits ; mais le peuple est encore plus adroit qu’eux. Je vous disais que le peuple doit se reposer sur sa force ; mais, quand le peuple est opprimé, quand il ne lui reste plus que lui-même, celui-là serait un lâche qui ne lui dirait pas de se lever. C’est quand toutes les lois sont violées, c’est quand le despotisme est à son comble, c’est quand on foule aux pieds la bonne foi et la pudeur, que le peuple doit s’insurger. Ce moment est arrivé. Nos ennemis oppriment ouvertement les patriotes ; ils veulent, au nom de la loi, replonger le peuple dans la misère et l’esclavage. Je ne serai jamais l’ami de ces hommes corrompus, quelques trésors qu’ils m’offrent, j’aime mieux mourir avec les républicains que de triompher avec ces scélérats. (Applaudi.)

« Je ne connais pour un peuple que deux manières d’exister : ou bien qu’il se gouverne lui-même, ou bien qu’il confie ce soin à des mandataires. Nous, députés républicains, nous voulons établir le gouvernement du peuple par ses mandataires, avec la responsabilité ; c’est à ces principes que nous rapportons nos opinions ; mais le plus souvent, on ne veut pas nous entendre. Un signal rapide, donné par le président, nous dépouille du droit de suffrage.