Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/530

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depuis mars, essayait, comme nous l’avons vu, de servir de lien entre les Jacobins et les Enragés. Lanjuinais, dans la séance du 30 mai, le dénonce comme complice de Varlet dans un projet de conspiration. C’est, sans doute, de cette époque que datent ses relations avec Lhuillier. Je suis donc tenté de croire que celui-ci a cherché une voie intermédiaire entre l’action imprudente, selon lui, et excessive des Enragés réunis à l’Évêché, et le système de temporisation où s’attardaient la Commune et les Jacobins. Et il est vrai que Robespierre semble, lui aussi, avoir cherché cette voie intermédiaire. De là sa rencontre d’un instant avec Lhuillier. L’initiative de celui-ci était agréable, également, à la Commune qui était dispensée par là de prendre des initiatives redoutables, et qui trouvait dans la convocation lancée par le département, pour le 31 mai, un prétexte commode à opposer aux impatiences de l’Évêché qui voulait marcher tout de suite. Il était clair que la force d’élan n’était ni à la Convention, ni à la Commune, ni aux Jacobins. À la Convention, la séance du 30 avait été, si l’on peut dire, inefficace : journée d’attente où les pétitionnaires des sections avaient reproduit leurs demandes habituelles contre les Douze, mais sans amener avec eux la force du peuple, et sans que la Convention lassée et comme indifférente parût s’émouvoir.

Lanjuinais dénonça avec force la « conspiration de l’Évêché » :

« L’un des lieux où l’on conspire en ce moment est l’Évêché : c’est là que se rassemblent les électeurs illégalement nommés du 10 août dernier, les plus audacieux meneurs des Jacobins et des sections, les citoyens les plus capables de favoriser des horreurs, les hommes les plus faciles à induire en erreur. Cette assemblée a formé un comité d’exécution, un comité dictatorial. Écoutez ce qu’a dit dernièrement Hassenfratz, en présence de milliers de citoyens :

« Souvenez-vous du 10 août ; avant cette époque, les opinions étaient partagées sur la République ; mais à peine avez-vous porté un coup décisif, tout a gardé le silence. Le moment de frapper de nouveaux coups est arrivé ; ne craignez rien des départements : je les ai parcourus, je les connais tous ; avec un peu de terreur et des instructions, nous tournerons les esprits à notre gré. Les départements éloignés suivent l’impulsion que Paris leur donne ; pour ceux qui nous environnent, plusieurs nous sont dévoués. Celui de Versailles, par exemple, est prêt à nous seconder : au premier coup de canon d’alarme, il nous viendra de Versailles une armée formidable, et nous tomberons sur les égoïstes, c’est-à-dire sur les riches. Oui, l’insurrection devient ici un devoir contre la majorité corrompue de la Convention. »

Cette majorité protesta par des murmures contre la violence des propos d’Hassenfratz, reproduits et exagérés peut-être par Lanjuinais. Mais elle n’avait plus la vigueur de l’offensive ; elle attendait.

C’est, sans doute, pour répondre au discours de Lanjuinais et pour rassurer les propriétaires sans lesquels il était impossible d’espérer un vaste