Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/576

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core une perfidie. Prudhomme veut noyer les révolutionnaires dans un océan de sérénité.

« On dit que la journée du 31 mai avait été préparée dans toute autre vue. On parle d’anarchistes, de séditieux ; mais cette journée leur prouvera que leur règne est passé. Les citoyens de Paris sont trop éclairés aujourd’hui pour être d’humeur à s’entr’égorger pour le bon plaisir de telle ou telle faction ; une guerre civile devient de jour en jour plus impraticable. »

La Chronique de Paris donne une note apaisante :

« La journée était superbe, et comme vers midi il n’y avait eu aucun événement sinistre, chacun se promenait riant librement, toutes les femmes étaient assises tranquillement sur leurs portes pour voir passer l’insurrection ; aucun désordre n’a été commis ; il n’y a eu qu’un cul de fouetté dans les tribunes de la Convention. »

Pauvre Théroigne ! comme on fait bon marché de son humiliation !

« … Toutes les sections se sont retirées tranquillement avec le jour. Paris a été illuminé, mais très tranquille : hier (c’est-à-dire le 1er juin) tous les ateliers ont recommencé leurs travaux et rien n’annonce que le calme doive être troublé. »

Le Patriote français affecte d’abord l’optimisme et bientôt il laisse percer de l’inquiétude :

« On a décrété que toutes les sections de Paris avaient bien mérité de la patrie. En effet, elles ont été constamment rassemblées en armes, pendant toute la journée, et par leur ardeur, par leur vigilance continue, elles ont prévenu de grands malheurs. Elles ont été en insurrection contre la sédition. On avait prévenu les sections du faubourg Saint-Antoine contre celles de la Butte-des-Moulins, de 1792, du Mail, etc. ; on avait dit aux premières que celles-ci étaient en état de contre-révolution. Mais on s’est expliqué, on s’est éclairé, on s’est embrassé, et il n’est resté aux amateurs de guerre civile que la honte et la rage. »

Voilà ce que dit le numéro du 1er juin, mais, dès le numéro suivant, le jugement porté sur la journée du 31 mai est plus sombre. Le Patriote montre la Convention dominée par la Commune et par le département de Paris, par « cette administration nulle dont les convulsions sont les seules marques d’existence… » Et il n’accepte qu’avec bien des réserves les décrets rendus.

« Alors les décrets se succèdent avec rapidité ; il ne pouvait, il ne devait plus y avoir de résistance ; nous sommes loin cependant d’improuver toutes les dispositions qui ont été arrêtées, mais les bonnes se perdent dans la foule des mauvaises. »

Au fond, les Girondins comprenaient bien que la journée était mauvaise pour eux. Ils avaient été, malgré tout, à la merci de l’insurrection. Ils n’avaient même pas osé demander (sauf par un discours de Guadet qui ne conclut pas et qui n’eut pas de suite) que l’on traduisît à la barre ceux qui avaient fait