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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/632

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voilà les seuls moyens efficaces de donner au corps tout le développement et toutes les facultés dont il est susceptible.

« Quant à l’être moral, quelques instructions utiles, quelques moments d’étude, tel est le cercle étroit dans lequel est renfermé le plan proposé. C’est l’emploi d’un petit nombre d’heures ; mais tout le reste de la journée est abandonné au hasard des circonstances, et l’enfant, lorsque l’heure de la leçon est passée, se trouve bientôt rendu soit à la mollesse du luxe, soit à l’orgueil de la vanité, soit à la grossièreté de l’indigence, soit à l’indiscipline de l’oisiveté. Victime malheureuse des vices, des erreurs, de l’infortune, de l’incurie de tout ce qui l’entoure, il sera un peu moins ignorant que par le passé, les écoles un peu plus nombreuses, les maîtres un peu meilleurs qu’aujourd’hui ; mais aurons-nous vraiment formé des hommes, des citoyens, des républicains ; en un mot, la nation sera-t-elle régénérée ?

« Tous les inconvénients que je viens de développer sont insolubles tant que nous ne prendrons pas une grande détermination pour la prospérité de la république.

« Osons faire une loi qui aplanisse tous les obstacles, qui rende faciles les plans les plus parfaits d’éducation, qui appelle et réalise toutes les belles institutions, une loi qui sera faite avant dix ans si nous nous privons de l’honneur de l’avoir portée une loi toute en faveur du pauvre, puisqu’elle reporte sur lui le superflu de l’opulence, que le riche lui-même doit approuver, s’il réfléchit, qu’il doit aimer, s’il est sensible. Cette loi consiste à fonder une éducation vraiment nationale, vraiment républicaine, également et efficacement commune à tous, la seule capable de régénérer l’espèce humaine, soit par les dons physiques, soit par le caractère moral : en un mot, cette loi est l’établissement de l’instruction publique.

« Consacrons-en le salutaire principe, mais sachons y apporter les modifications que l’état actuel des esprits et l’intérêt industriel de la république peuvent rendre nécessaires.

« Je demande que vous décrétiez que, depuis l’âge de cinq ans jusqu’à douze pour les garçons, et onze pour les filles, tous les enfants, sans distinction et sans exception, seront élevés en commun aux dépens de la république, et que tous, sous la sainte loi de l’égalité, recevront mêmes vêtements, même nourriture, même instruction, mêmes soins.

« Par le mode d’après lequel je vous proposerai de répartir la charge de ces établissements, presque tout portera sur le riche ; la taxe sera presque insensible pour le pauvre ; ainsi vous atteindrez les avantages de l’impôt progressif que vous désirez établir : ainsi, sans convulsion et sans injustice, vous effacerez les énormes disparités de fortune dont l’existence est une calamité publique.

« Je développe en peu de mots les avantages, les détails et les moyens d’exécution, du plan que je vous soumets.