Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/634

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une charge pénible, mais, au contraire, une source d’aisance et l’objet d’une espérance progressive : c’est là tout ce que nous pouvons faire utilement en faveur des cinq premières années de la vie ; tel est l’objet de quelques-uns des articles de la loi que je propose. Les mesures indiquées sont fort simples, mais je suis convaincu que leur effet certain sera de diminuer d’un quart pour la République la déperdition annuelle des enfants qui périssent victimes de la misère, des préjugés et de l’incurie.

« À cinq ans, la patrie recevra donc l’enfant des mains de la nature ; à douze ans, elle le rendra à la société.

« Cette époque, d’après les convenances particulières et l’estime publique de la France, m’a paru la plus convenable pour le terme de l’institution publique.

« À dix ans ce serait trop tôt ; l’ouvrage est à peine ébauché.

« À douze ans, le pli est donné et l’impression des habitudes est prise d’une manière durable.

« À dix ans, rendre les enfants à des parents pauvres, ce serait souvent leur rendre encore une charge ; le bienfait de la nation serait incomplet.

« À douze ans, les enfants peuvent gagner leur subsistance, ils apporteront une nouvelle ressource dans leur famille.

« Douze ans est l’âge d’apprendre les divers métiers, c’est celui où le corps, déjà robuste, peut commencer à se plier aux travaux de l’agriculture. C’est encore l’âge où l’esprit déjà formé peut, avec fruit, commencer l’étude des belles lettres, des sciences ou des arts agréables.

« La société a divers emplois ; une multitude de professions, d’arts industriels et de métiers appellent les citoyens.

« À douze ans, le moment est venu de commencer le noviciat de chacun d’entre eux ; plus tôt, l’apprentissage serait prématuré ; plus tard, il ne resterait pas assez de cette souplesse, de cette flexibilité, qui sont les dons heureux de l’enfance.

« Jusqu’à douze ans, l’éducation commune est bonne, parce que jusque-là il s’agit de former, non des laboureurs, non des artisans, non des savants, mais des hommes ; pour toutes les professions.

« Jusqu’à douze ans, l’éducation commune est bonne, parce qu’il s’agit de donner aux enfants les qualités physiques et morales, les habitudes et les connaissances qui, pour tous, ont une commune utilité.

« Lorsque l’âge des professions est arrivé, l’éducation commune doit cesser parce que, pour chacune, l’instruction doit être différente ; réunir dans une même école l’apprentissage de toutes est impossible.

« Prolonger l’institution publique jusqu’à la fin de l’adolescence, est un beau songe ; quelquefois, nous l’avons rêvé délicieusement avec Platon ; quelquefois, nous l’avons lu avec enthousiasme réalisé dans les fastes de Lacédémone ; quelquefois, nous en avons retrouvé l’insipide caricature dans nos