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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/685

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vont venir, le forum ne le défendra guère. Ce jour du 27 avril, par ses déclarations athées, il a blessé cruellement Robespierre, et celui-ci saura exploiter contre « le baron prussien » l’aveugle préjugé national.

C’est pourtant une grande chose, et pour la Révolution une gloire éclatante, que la vaste pensée humaine de Clootz ait pu se produire à la tribune d’un peuple en guerre contre le monde presque entier. Sans doute plus d’une des paroles de « l’orateur du genre humain », plus d’une de ses formules firent frissonner ce qu’il y avait de plus haut dans l’esprit de la Convention, comme un vent fait frissonner la cime de la forêt inébranlée.

« J’occupe, s’écriait-il, la tribune de l’univers ». Et encore : « La République universelle remplacera l’Église catholique, et l’Assemblée nationale fera oublier les conciles œcuméniques. L’unité de l’État vaudra mieux que l’unité de l’Église. La présence réelle des représentants ne sera pas un article de foi comme la communion des saints. Le symbole des Conventionnels sera démontré plus clairement que le symbole des apôtres. L’unité politique produira tous les biens. Les décrétales du chef-lieu de la chrétienté ont semé la zizanie ; les décrets du chef-lieu de l’humanité produiront la concorde et l’abondance. La théocratie universelle persécute la raison ; la monarchie universelle persécute la liberté ; la république universelle rend à chacun son dû. Le dernier régime est impérissable, les autres sont éphémères. »

Fusion, unité, vibrations larges, harmonie expansive et pure : « Une cloche soudée est toujours sourde ; la fusion parfaite de toutes ses parties lui rendra son élasticité et son timbre. » Il ne suffira donc pas de souder les fragments épars et hostiles du genre humain, il faudra les fondre en une riche et vibrante unité dont l’harmonie emplira l’espace.

J’observe que la Déclaration des droits de la Constituante dit : « L’oubli des droits de l’homme est la cause des malheurs publics. » Tout à l’heure celle de la Convention dira : « La cause des malheurs du monde ». N’est-ce pas un écho de la pensée de Clootz et un appel au genre humain ?

Mais dans la riche effervescence d’idées qui marque ces premiers mois de 1793, où est l’idée communiste ? Dans les plans de Constitution qui abondent vers le Comité de la Convention je ne vois pas la moindre allusion au Code de la nature de Morelly, je ne vois pas la moindre esquisse de ce qui sera demain le babouvisme. Que fait donc Babeuf, et serait-il vrai, comme le dit Baudot, que le communisme ne fut dans la Révolution française qu’une sorte d’accident, une secte d’origine et d’importation étrangère ? Ou plutôt, Baudot semble considérer que l’idée communiste, obscurément propagée à Paris par des illuminés allemands avant la Révolution, a subi une éclipse totale pendant la période conventionnelle et n’a reparu qu’après la Convention. La note de Baudot est curieuse, et elle suggérera sans doute à ceux qui veulent retrouver les galeries souterraines par où cheminent d’abord les idées le désir d’étudier l’action secrète des loges allemandes de Weisshaupt et de