Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/724

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se former à sa gauche des partis remuants et âpres qui demandaient pour le peuple non seulement des droits politiques, mais la certitude de la vie, et il essayait, par sa formule de la propriété, d’incorporer décidément au droit révolutionnaire cette force populaire et prolétarienne dont il n’avait ni calculé ni même pressenti les futurs développements, mais dont il voulait qu’en tout cas l’obscure destinée future eût sa formule juridique dans la Révolution.

En ce sens, sa définition de la propriété était commis une sorte d’acompte révolutionnaire payé au prolétariat sur son salaire révolutionnaire, l’ouverture d’un crédit sur l’avenir en échange de son effort immédiat.

Dès maintenant, il insérait dans la Déclaration des Droits proposée par lui quelques applications précises de sa définition sociale de la propriété. Il veut que la Convention inscrive dans la charte sociale le droit de tous à la vie, le droit au travail, le droit à l’instruction, et l’impôt progressif avec immunité complète du minimum de revenus nécessaire à la vie. Tous les premiers articles de son projet sont, si je puis dire, d’une belle allure humaine, et je vais en reproduire ici l’enchaînement.

« Article premier.— Le but de toute association politique est le maintien des droits naturels et imprescriptibles de l’homme et le développement de toutes ses facultés.

« Art. 2. — Les principaux droits de l’homme sont celui de pourvoir à la conservation de son existence et la liberté.

« Art. 3. — Ces droits appartiennent également à tous les hommes, quelle que soit la différence de leurs forces physiques et morales.

« L’égalité des droits est établie par la nature ; la société, loin d’y porter atteinte, ne fait que la garantir contre l’abus de la force qui la rend illusoire.

« Art. 4. — La liberté est le pouvoir qui appartient à tout homme d’exercer à son gré toutes ses facultés, elle a la justice pour règle, les droits d’autrui pour borne, la nature pour principe et la loi pour sauvegarde.

« Art. 5. — Le droit de s’assembler paisiblement, le droit de manifester ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, sont des conséquences si nécessaires du principe de la liberté de l’homme, que la nécessité de les énoncer suppose, ou la présence, ou le souvenir récent du despotisme.

« Art. 6. — La propriété est le droit qu’a chaque citoyen de jouir et de disposer de la portion de bien qui lui est garantie par la loi.

« Art. 7. — Le droit de propriété est borné, comme tous les autres, par l’obligation de respecter les droits d’autrui.

« Art. 8. — Il ne peut préjudicier ni à la sûreté, ni à la liberté, ni à l’existence, ni à la propriété de nos semblables.