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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/743

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litique du peuple voulait que la pauvreté même portât une partie du fardeau. Dans l’ordre international, aux vastes déclarations d’active fraternité universelle qui pouvaient engager la France et épuiser la Révolution dans des guerres infinies et éternelles, se substituent des articles prudents et fiers, qui assurent constitutionnellement l’intégrité territoriale et politique de la France révolutionnaire mais qui rendent possibles les négociations de paix.

« Le peuple français est l’ami et l’allié naturel des peuples libres.

« Il ne s’immisce point dans le gouvernement des autres nations ; il ne souffre pas que les autres nations s’immiscent dans le sien.

« Il donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté : il le refuse aux tyrans.

« Il ne fait point la paix avec un ennemi qui occupe son territoire. »

« — Avez-vous donc fait un pacte avec la victoire ? » demanda une voix.

« — Non, s’écria Bazire ; mais nous avons fait un pacte avec la mort. » Et ce mot héroïque couvrait glorieusement l’abandon de la téméraire politique de propagande armée universelle.

Plus prudente dans la question de la propriété, de l’impôt et des relations extérieures que le projet de Robespierre, la Constitution de 1793 était cependant un magnifique exemplaire de démocratie ; c’était vraiment la souveraineté du peuple ; c’était l’organisation forte du pouvoir populaire et du contrôle populaire. Jamais encore le monde n’a vu une réalisation de démocratie qui réponde pleinement à cette grandiose formule de 1793.

Que les socialistes ne reprochent point à Robespierre de n’avoir pas insisté pour l’adoption de son projet : la Constitution de 1793 aurait été aux mains du peuple, aux mains des prolétaires, un instrument efficace de graduelle émancipation sociale. Les communistes révolutionnaires en jugeront ainsi, puisque le rétablissement de la Constitution de 1793 sera bientôt un des articles essentiels du programme babouviste. Et je veux répéter, en faveur de cette magnifique organisation de démocratie, le noble appel fait par le Montagnard Levasseur au témoignage des communistes :

« C’était, s’écrie-t-il, la Constitution de 93 qu’invoquaient les Babeuf et Darthé : c’est encore, sous les glaces de l’âge, la Constitution de 1793, qui fait battre le cœur du stoïque Buonarotti ; et si je puis me nommer, après ces hommes douloureusement mais noblement célèbres, c’est ma longue fidélité à ce que j’ai cru être bien qui me console dans mon exil et mes longues douleurs. »

C’est en effet avec enthousiasme que Buonarotti, dans son livre la Conspiration pour l’Égalité, parle de Robespierre et même, malgré quelques réserves, de la Constitution de 1793.

« Avant la chute de la faction girondine, Robespierre croyait que la Convention, dominée par elle, était dans l’impossibilité d’enfanter de bonnes lois ; il pensait d’ailleurs que, dans les circonstances critiques de ce temps-là, le