Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/767

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pas pour répondre aux inculpations dirigées contre lui. » Roux était sans doute découragé par la terrible séance de la veille aux Jacobins.

« Le membre de la Commune demande que provisoirement et en attendant les explications de Roux, il ne soit plus rédacteur des affiches de la Commune. »

Proposition adoptée. Mais le lendemain, aux Cordeliers, comme Hébert s’acharne sur Roux ! comme il se donne des airs de noblesse morale ! comme il exalte l’esprit de sacrifice ! Collot d’Herbois en était tout remué : « Je me souviendrai toujours de cette apostrophe faite par Hébert :

« Vous vous plaignez, Parisiens ; vous déplorez votre situation, vous murmurez contre vos représentants. Mais songez donc à vos frères des départements, qui tous les jours sont réveillés par le bruit du canon, qui tous les jours reçoivent des boulets, et qui n’ont pas deux onces de pain par jour. »

Oui, ce fut un beau spectacle, et pour le conter, Collot d’Herbois a des ressouvenirs de son métier d’acteur, du temps où le maquillage des figures fondait au feu des chandelles :

« Vous auriez vu Hébert promener le flambeau de la vérité sur la tête du prêtre hypocrite, et faire fondre son masque comme un limon impur qui couvrait sa tête. »

Et ce n’est pas seulement Jacques Roux qui est exécuté par Collot d’Herbois, par Hébert, c’est aussi Leclerc, qui a donné aux Lyonnais, par d’épouvantables menaces, le courage de s’armer pour la contre-révolution :

« Leclerc a dit aux Lyonnais qu’ils allaient être guillotinés ; qu’ils allaient être jetés dans la rivière ; alors ces hommes, naturellement poltrons, sont devenus braves et ils le sont devenus au détriment des patriotes. »

Jacques Roux était-il donc noyé à jamais ? Le 1er juillet, « le Conseil général de la Commune délibérant sur la conduite de l’abbé Jacques Roux, l’un de ses membres, considérant que ce citoyen a insulté la Convention dans l’adresse perfide qu’il lui a présentée ces jours derniers, considérant en outre que ses opinions anticiviques l’ont fait chasser des sociétés populaires et du corps électoral, arrête à l’unanimité qu’il improuve sa conduite ».

Qu’Hébert se réjouisse ! Il peut croire un instant (mais connaît-il bien la ténacité de ce prêtre ?) qu’il est enfin débarrassé d’un rival détesté. Hébert trouvait Jacques Roux terriblement incommode. D’abord cette popularité étroite, mais profonde, toujours renouvelée par des infiltrations sourdes, comme l’eau d’un puits qui jamais ne tarirait, inquiétait la popularité superficielle et bruyante d’Hébert. Et puis, en fournissant un prétexte aux émeutes et aux pillages, Jacques Roux était très importun à la municipalité. Il pouvait soudain la compromettre à fond, soit qu’elle laissât faire,