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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/780

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sive. Et par là il marquait bien que s’il était prêt à marcher avec Hébert, avec Vincent, avec Bouchotte pour épurer le commandement, il était bien loin de se laisser aller à la griserie hébertiste. Il est vrai que du même coup il proscrivait cette tactique des mouvements de masse et de l’offensive qui seule pouvait sauver la Révolution et qui en effet la sauva.

Le dernier numéro de Marat, celui du 14 juillet, est une nouvelle attaque contre Custine et le Comité de Salut public.

« Voilà donc Custine, prenant la place de l’infâme Dumouriez, dont il renouvellera bientôt les désastreuses opérations, et peut-être d’une manière plus déplorable encore. Que penser du Comité de Salut public, ou plutôt de ses meneurs, car la plupart de ses membres sont si insouciants qu’ils assistent à peine deux heures sur les vingt-quatre aux séances du Conseil, qu’ils ignorent presque tout ce qui s’y fait ! Ils sont très coupables sans doute de s’être chargés d’une tâche qu’ils ne veulent pas remplir, mais les meneurs sont très criminels de remplir si indignement leurs fonctions.

« Dans le nombre, il en est un que la Montagne vient de renommer très imprudemment et que je regarde comme l’ennemi le plus dangereux de la patrie : c’est Barère… Quant à moi, je suis convaincu qu’il nage entre deux eaux pour voir à quel parti demeurera la victoire ; c’est lui qui a paralysé toutes les mesures de rigueur, et qui nous enchaîne de la sorte pour nous laisser égorger, je l’invite à me donner un démenti en se prononçant enfin de manière à ne plus passer pour un royaliste déguisé. »

Ah ! certes, Marat, avec son désintéressement admirable, avec son horreur de l’intrigue, aurait combattu Hébert et ses amis le jour où il lui aurait apparu qu’ils voulaient dominer la Convention. Déjà, quand il attaque le Comité de Salut public, il prend bien soin d’avertir par une note qu’il ne s’agit que de celui dont les pouvoirs expiraient le 10 juillet ; et s’il s’en prend à Barère, qui avait été réélu, c’est en exprimant l’espoir qu’il adoptera enfin un plan de conduite très net. Mais, dans cette période difficile, Marat, comme on le voit, n’aidait pas Robespierre à donner au pays révolutionnaire cette patiente sagesse, cette impression de sécurité et d’unité qui était vraiment nécessaire au salut public.

Danton qui, personnellement, était mis en cause, Danton qui avait plus d’une fois à répondre devant les Jacobins aux attaques dirigées contre lui, Danton qui, membre du Comité de Salut public, portait le poids des inévitables fautes commises par celui-ci, des trahisons qu’il n’avait pu prévenir et des revers qu’il n’avait pu empêcher, ne pouvait non plus conseiller avec autorité la discrétion, la mesure, la circonspection. Il aurait eu l’air de se défendre lui-même. Et il n’avait pas d’ailleurs cette continuité d’effort, cette assiduité qui sont, aux heures troubles, la condition de l’action efficace. Il éclatait parfois comme la foudre. Le 15 juin, à la nouvelle des revers de Vendée, il jetait du haut de la tribune de la Convention un anathème magni-