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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/803

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« Il y a plus de six mois que j’ai composé ce petit ouvrage. Je m’empressai dès lors de le proposer dans quelques sections de Paris et dans quelques sociétés populaires ; mais, outre qu’il y avait à braver les menaçantes alarmes de l’aristocratie propriétaire, les événements funestes qui survinrent dans le même temps, et qui mirent la République dans un péril imminent, appelèrent trop ailleurs toute l’attention. Il fallait bien s’assurer du sol avant de songer à la forme de l’édifice qu’il devait porter.

« Aujourd’hui, c’est le moment de publier cet écrit, ou ce moment n’arrivera jamais. Notre Révolution est parvenue à la période qui laisse entrevoir le règne de la justice ; j’en présente les bases. Malheur au peuple, s’il laisse échapper une si belle occasion de les mettre en œuvre ! »

L’extrait du procès-verbal « d’une assemblée de plusieurs citoyens de la commune d’Anvers, district d’Étampes, tenue le 21 juillet, l’an II de la République », nous apprend la date approximative de la publication et nous permet de juger l’effet produit sur les citoyens des campagnes.

« Aujourd’hui, 21 juillet, l’an II de la République, nous, citoyens de la commune d’Anvers, district d’Étampes, nous étant librement assemblés, en forme de société rurale, pour délibérer sur un écrit qui nous a été communiqué, et qui a pour titre : Essai sur la justice primitive, par Pierre Dolivier, curé de Mauchamp, citoyen qui s’est acquis plus d’un titre à notre estime ; après avoir nommé pour président le citoyen Georges Venard et pour secrétaire Louis le Grand ; tous, d’une voix unanime, avons d’autant plus applaudi à l’ouvrage du curé de Mauchamp, qu’il nous a paru présenter le véritable but que l’on y cherche, et offrir les uniques bases sur lesquelles peut s’élever une République propre à assurer à chacun tous ses droits et tous ses moyens de bonheur.

« Assurément, nous ne nous flattons pas d’avoir bien saisi tous les raisonnements de l’auteur. Nous avouons qu’ils sont, en partie, au-dessus de notre portée. Mais, si ces principes exigent de plus grandes lumières que les nôtres, il ne nous a fallu que notre bon sens ordinaire pour sentir vivement certaines vérités qui en découlent et qui ont laissé dans notre âme une impression autrement profonde, que tout ce qui ne parle qu’à l’esprit. Telle est cette vérité éternelle, qu’il est souverainement injuste que nos lois humaines disposent à perpétuité du champ de la nature ; qu’elles fassent que les uns y trouvent gratuitement de grands droits, et les autres aucun, que celui-ci naisse riche et celui-là pauvre. Comme si chacun ne devait pas mériter soi-même, soit par ses talents, son travail, son industrie, en un mot, par le bon ou le mauvais emploi de ses facultés ! Combien cette seule vérité, si elle était très sentie, ne servirait-elle pas à nous retirer de l’état de contradiction, dans lequel nous sommes, et à nous garantir de toute funeste erreur politique !

« Quant au moyen provisoire que propose l’auteur, nous ne balançons pas de dire qu’il doit être adopté dans tout état de cause. En effet, si la multi-