Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/835

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les porteurs d’assignats, ensuite d’accroître encore la disproportion entre la valeur des objets et la masse surabondante des assignats.

Voilà pourquoi (sauf pour le charbon et le bois à brûler dont le prix de 1790 ne fut relevé que d’un vingtième) la Convention décrète que « le maximum du prix de toutes les denrées et marchandises énoncées à l’article premier sera, pour toute l’étendue de la République, jusqu’au mois de septembre prochain, le prix que chacune d’elle avait en 1790, tel qu’il est constaté par les mercuriales ou le prix courant de chaque département, et le tiers en sus, déduction faite des droits fiscaux et autres auxquels elles étaient alors soumises, sous quelque dénomination qu’ils aient existé. »

Comme on le voit, la Convention, à ce moment, ne légifère que pour une année. Elle n’institue pas le maximum comme un régime définitif, mais seulement comme un remède à de passagères et extraordinaires difficultés. La base adoptée par elle pour la détermination des prix est beaucoup trop générale et trop vague ; quel est, en effet, le prix d’une marchandise ? Est-ce son prix à la fabrication, dans l’atelier du producteur ? ou bien dans le magasin de gros ? ou bien dans le magasin de détail ?

D’innombrables difficultés d’application vont surgir qui n’empêcheront pas une première mise en œuvre un peu grossière ou arbitraire de la loi, mais qui obligeront bientôt la Révolution à une analyse plus profonde du mouvement économique. Mais il était impossible, en déterminant le prix des marchandises ou denrées, de ne pas déterminer aussi le prix du travail ; car si le prix total du produit ne peut pas excéder un certain niveau, comment serait-il possible qu’un des éléments de ce prix, le salaire, pût se développer indéfiniment ?

Mais la Convention tient à consolider au profit des ouvriers une partie au moins des conquêtes qu’ils ont réalisées dans l’ordre des salaires. Et elle décrète que « le maximum ou le plus haut prix respectif des salaires, gages, main-d’œuvre et journées de travail dans chaque lieu sera fixé, à commencer de la publication de cette loi jusqu’au mois de septembre prochain, par les conseils généraux des communes au même taux qu’en 1790, auquel il sera ajouté la moitié de ce prix en sus ».

Ainsi, pour le maximum des produits et marchandises, le prix de 1790 est majoré d’un tiers, pour les salaires il est majoré de la moitié. Si donc l’on voulait chiffrer, d’après cette double base, l’amélioration réelle de la condition des salariés, l’accroissement réel de leur puissance d’achat, on pourrait dire que le bien-être des ouvriers s’est accru de la différence de la moitié au tiers, c’est-à-dire d’un sixième. Un relèvement d’un sixième par rapport à la condition des salariés en 1790, voilà, en quelque sorte, la traduction arithmétique et le bilan officiel de la Révolution.

Voilà donc qu’en septembre la Révolution menacée et irritée, mais confiante et forte, déploie une grande puissance d’organisation, de terreur et de