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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/839

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tueuses demeures des fabricants égoïstes qui avaient appelé la royauté, tomberont sous le marteau…

Toulon est repris sur les Anglais le 10 décembre. En Vendée la lutte est plus acharnée et plus vaste. Dès juin, le mouvement s’était systématisé. Les chefs vendéens avaient résolu de concentrer leurs forces et d’assaillir les villes. Ils s’étaient emparé de Saumur, et avaient donné l’assaut à Nantes. Ils s’imaginaient forcer aisément la ville. Une foule de pillards, hommes et femmes, paysans avides et cruels comme des loups, attendaient, sur toutes les routes, l’heure de la tuerie et du pillage. Les fiancés se donnaient rendez-vous chez les orfèvres pour y prendre l’anneau nuptial. Les révolutionnaires de Nantes résistèrent héroïquement. Un moment, on crut que la ville était forcée. En un suprême effort ils la dégagèrent. Les Vendéens se replièrent, mais rentrés dans le Bocage, comme le sanglier dans son abri, ils y refirent leurs forces.

Pendant ce temps l’action révolutionnaire flottait. La direction de la guerre était disputée entre des coteries rivales, entre les chefs hébertistes désignés par le ministère de la guerre, et quelques uns des représentants conventionnels. Raison, Rossignol, étaient, d’un côté, soutenus par Choudieu ; Tunck était de l’autre, soutenu par Goupilleau, Bourdon de l’Oise : querelles, dénonciations réciproques, anarchie et impuissance. Le 2 octobre, Barère, au nom du Comité de Salut public, sonne le tocsin d’alarme : « C’est la Vendée qu’il faut détruire ».

Le Comité rétablit l’unité des opérations, concentre les armées et les responsabilités, investit de sa confiance de jeunes officiers héroïques et sages : Kléber, Marceau. Deux fortes colonnes marchant à la rencontre l’une de l’autre, traversent et trouent la Vendée. Les Vendéens, pour échapper à cette étreinte, veulent élargir le champ de la guerre, en porter le feu au nord de la Loire. Ils la franchissent en effet après la sanglante bataille d’Ancenis, où Bonchamps est tué. Mais une fois au nord de la Loire, ces hommes déracinés de leurs champs sont comme frappés de nostalgie. Ils ont perdu le contact avec la terre des aïeux qui renouvelait sans cesse leur fanatisme étroit. Ils s’unissent un moment aux bandes de chouans de Bas-Maine, mais ils tournent bientôt sur eux-mêmes et, affaiblis, démoralisés, repassent la Loire.

Du jour où ils l’avaient franchie pour aller vers le Nord, Barère avait jeté un cri de joie prophétique : « Il n’y a plus de Vendée ». Dès novembre, si elle était encore un terrible embarras, elle avait cessé d’être un péril.

Or, pendant que la Convention, servie par le Comité de Salut public, écrasait le royalisme, le fédéralisme et la trahison à Marseille, à Lyon, à Toulon, en Vendée, l’armée du Nord infligeait à la coalition des défaites successives. Le 6 septembre, l’armée de Houchard déloge les troupes anglaises et autrichiennes qui se préparaient à investir Dunkerque. C’est la bataille d’Hondschoote. Mais qu’importe que Dunkerque soit sauvé ! Le Comité de