Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/868

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parle aux Jacobins le 21 novembre. Il s’élève contre la politique antichrétienne de la Commune, et la Commune s’aplatit de peur. En huit jours elle chante une lamentable palinodie.

Le 28 novembre, à la Commune, Chaumette met les révolutionnaires en garde contre les mesures qui peuvent aigrir le fanatisme religieux. Il rappelle que l’article 7 de la Déclaration des Droits garantit expressément le libre exercice des cultes. Et il affirme que l’opinion ne doit pas être maîtrisée par la terreur, « mais par la vérité, la raison, la justice ». La persécution ne ferait que développer de sombres enthousiasmes comme ceux du Nazaréen et des premiers chrétiens.

« Rien n’est si cher à l’homme que ses opinions ; il y sacrifie son bonheur et souvent sa vie ; les idées absurdes, les notions chimériques sont celles dont la plupart des hommes se dépouillent le plus difficilement, même parmi les gens instruits. »

Il demande enfin au Conseil de déclarer « que l’exercice des cultes étant libre, il n’a jamais entendu et n’entendra jamais empêcher les citoyens de louer des maisons, de payer leurs ministres, pour quelque culte que ce soit, pourvu que l’exercice de ce culte ne nuise pas à la société par sa manifestation ; que, du reste, il fera respecter la volonté des sections qui ont renoncé au culte catholique, pour ne reconnaître que celui de la Raison, de la liberté et des vertus républicaines. »

Ce n’est plus la suppression des Églises : c’est la séparation des Églises et de l’État, et un programme de large tolérance sous la garantie de la loi. Les citoyens de toutes les religions pourront louer des immeubles pour l’exercice commun des cultes. Les sections qui ont disposé des édifices religieux pour le culte de la Raison resteront en possession, mais elles ne pourront pas inquiéter ceux qui chercheront dans un autre immeuble un abri pour leur croyance. Oui, mais que devient alors toute la politique de la Commune ? Que signifie le déchaînement hébertiste ? De quel droit offenser les croyants par la profanation des objets du culte, si ce n’est pas pour les guérir violemment de leur foi ? C’est le suprême désordre d’esprit et le signe d’une médiocrité intellectuelle qui condamnait l’hébertisme à un lamentable échec. Mais Hébert surtout, comment se fait-il qu’aux Jacobins, ce soir du 21 novembre où Robespierre attaqua de front sa politique religieuse, il n’ait pas dit un mot ? Robespierre lui avait donné pourtant l’exemple de la netteté et du courage. Robespierre n’avait pas seulement condamné l’intolérance comme impolitique. « C’est elle, avait-il dit, qui rallume le fanatisme. » Ou plutôt elle est elle-même une autre forme de fanatisme.

« On a dénoncé des prêtres pour avoir dit la messe : ils la diront plus longtemps si on les empêche de la dire. Celui qui veut les empêcher est plus fanatique que celui qui dit la messe. »