Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/928

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Aussi, malgré les déchirements intérieurs de la Révolution, le grand élan guerrier des armées révolutionnaires se continuait.

L’œuvre intérieure de réforme se continuait aussi. La Convention dans la question de l’enseignement avait tâtonné. Le plan de Le Pelletier avait été d’abord accueilli avec faveur, puis écarté comme impraticable. En septembre 1793, la rentrée des collèges obligea la Convention à adopter une formule. Elle parut consacrer les idées générales de Condorcet, et reconnaître le haut caractère encyclopédique de l’enseignement. Mais bientôt comme si elle renonçait à une partie du magnifique idéal d’enseignement complet où d’abord elle s’était élevée, elle se borne à organiser les écoles primaires, laissant à la libre concurrence ce que nous appelons aujourd’hui l’enseignement secondaire et supérieur. Quoique limitée, c’était encore une glorieuse entreprise que de constituer ainsi, aux frais de la nation et en son nom, l’enseignement populaire. Et la liberté de l’enseignement privé qu’elle proclamait pour les études secondaires et supérieures n’allait pas d’ailleurs sans de fortes garanties pour l’esprit révolutionnaire. Les prêtres en étaient exclus.

De même la Convention fit une grande chose lorsque, sur un rapport de Barère, au nom du Comité de Salut public, elle proclama et organisa l’assistance sociale des malades, des pauvres, des infirmes, des vieillards. C’est par un secours à domicile de 150 livres par an, prélude de ce que nous appelons aujourd’hui la pension de vieillesse et d’invalidité, qu’elle proposait de guérir les plus cruelles misères. La Révolution affirmait ainsi, jusque dans la tourmente de terreur et de sang, sa foi et son génie d’humanité.

Ce qui atteste aussi la confiance de la Révolution en elle-même et en l’avenir, c’est que, partout en l’an II, les ventes de biens nationaux un moment suspendues dans la période de doute et de conflit qui précède le 31 mai, reprennent et s’accentuent aussitôt que la victoire de la Montagne, le vote et l’acceptation de la Constitution, l’énergie du Comité de Salut public rendent à l’action révolutionnaire son unité et sa force.

Ce n’est guère qu’après le 31 mai que la vente des biens d’émigrés commence réellement. Ce que le directoire du département de Seine-et-Oise écrivait de l’ancien domaine royal : « Le talisman est enfin rompu » était vrai de tout le domaine public formé aux dépens des nobles fugitifs. Les acheteurs un moment hésitants se décidaient, ils affluaient aux enchères. À ne regarder que la surface, ces opérations furent bonnes un peu partout et pour la Révolution et pour la démocratie. Presque partout, comme en témoignent les comptes rendus périodiques faits à la Convention, les prix d’adjudication dépassent de beaucoup les prix d’estimation.

Par exemple, on lit au Moniteur :

« L’administrateur provisoire des domaines nationaux écrit le 4 ventôse, an II, que les ventes des biens d’émigrés dont les notes lui sont parvenues