Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/183

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implique dispense du service militaire, où l’on se prépare durant trois ans au certificat d’aptitude ; choisis par les représentants de l’arrondissement et de la commune ; nommés par le ministre sur la présentation du Conseil municipal ; surveillés par des inspecteurs d’État et par des Comités communaux et départementaux, moitié électifs, moitié nommés par l’autorité supérieure, qui peuvent les réprimander, l’appel au ministre étant toujours réservé. Un Conseil de perfectionnement par département représente l’esprit de progrès. Le budget de l’enseignement primaire est porté à 47,350,050 francs et alimenté à la fois par l’État et les communes, qui prennent à leur charge le matériel, le chauffage, l’éclairage, les livres et fournitures scolaires, qui doivent aussi fournir un local contenant salles d’études, préau, logement et jardin.

Les écoles privées peuvent être ouvertes par toute personne qui possède le certificat d’aptitude et jouit de ses droits civils et politiques. On n’exige plus le certificat de moralité. On demande seulement une double déclaration au maire et au recteur. Mais on les soumet au contrôle des inspecteurs primaires (un par Académie) et des quatre inspecteurs généraux.

Ce projet, à la fois le plus libéral et le plus démocratique qui eût été jusqu’alors présenté en France, fut renvoyé à l’examen d’une Commission qui tint 54 séances de trois heures chacune en moyenne. Mais les journées de Juin n’avaient pas en vain passé sur l’Assemblée. On s’en aperçut d’abord dans la discussion de la Constitution. Le premier texte, très large, inspiré de la Convention, imposait à l’État le devoir de développer gratuitement « les facultés physiques et morales des citoyens. » C’était la pensée de Jean Reynaud et des démocrates. Cela pouvait s’appliquer à tous les degrés d’enseignement et promettait une sélection de talents opérée sur l’ensemble des enfants sans distinction de fortune. Mais la seconde version, revue, corrigée et rétrécie, sous prétexte que de la sorte on créerait une quantité de jeunes gens aptes aux carrières libérales et qu’on ferait tort aux petits capitalistes qui s’étaient donné beaucoup de peine pour y préparer leurs enfants, se rabattit sur cette formule plus modeste : « La République doit mettre à la portée de chacun l’instruction indispensable à tous les hommes. » Cette restriction notable était une victoire de la réaction bourgeoise. Les catholiques attaquèrent à leur tour au nom de la liberté d’enseignement. Quatre opinions se firent jour sur cette question de principe.

La plus radicale, fut celle de Montalembert. Elle consistait à réclamer la pleine indépendance de l’individu, à repousser toute intervention de l’État en matière d’enseignement. C’était l’équivalent de la doctrine des économistes lui déniant tout droit d’intervenir en matière économique. L’enseignement public était disait-il, « du communisme intellectuel ». C’était une atteinte au droit du père de famille sur l’âme de son enfant, droit qu’il tient de Dieu et de la nature. Il était bien évident que la liberté ainsi réclamée