Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’interdiction absolue du travail de nuit et la limitation du travail effectif à 10 heures jusqu’à 12 ans et à 12 heures jusqu’à 16 ans. Il voulait de plus qu’on leur laissât leur Dimanche complet. Enfin, il réclamait une inspection locale et gratuite, qui devait être confiée aux ingénieurs des Ponts et Chaussées.

Si, par l’abandon de ce projet, les enfants furent privés de garanties nouvelles dans la grande industrie, ils bénéficièrent du moins, dans les petits ateliers occupant moins de vingt ouvriers et soustraits jusqu’alors au regard de l’État, d’une réglementation de l’apprentissage. L’ouvrier Peupin, à la Constituante, avait proposé (9 Août 1848) que le nombre des apprentis fût limité, une vieille question qui, depuis le moyen âge, était un sujet de querelle entre compagnons et maîtres. Il imposait à ceux-ci certaines conditions d’âge et de moralité ; il leur interdisait toute correction corporelle ; il autorisait des poursuites contre eux, quand ils auraient manqué à leur devoir d’instruction professionnelle et d’éducation morale envers les enfants confiés à leurs soins. Il demandait que l’apprenti fût âgé de 12 ans au moins ; qu’il ne fit pas plus de dix heures par jour et qu’il eût son dimanche tout entier ; qu’il fréquentât les écoles et les cours industriels ; qu’il eût, sous le nom de curateurs, des espèces de tuteurs[1]. Ces demandes avaient été déjà restreintes par le rapporteur, de Parieu, qui ne les acceptait qu’en gros. Elle le furent encore davantage, quand la question non résolue revint devant la Législative (4 Mars 1850). Le nouveau projet, émanant du ministre du commerce, J.-B. Dumas, était beaucoup moins précis. Il recommandait sans doute au patron, suivant une antique formule, de se conduire envers l’apprenti en bon père de famille ; mais il lui permettait d’embaucher les enfants à tout âge et en aussi grand nombre qu’il le voudrait : c’était une des mesures les plus antipathiques aux ouvriers, qui risquaient fort d’être dépossédés de leur besogne partout où un enfant pouvait leur être substitué. Le temps de travail autorisé était de 10 heures jusqu’à 14 ans, de douze heures jusqu’à 16 ans, âge où le travail de nuit pouvait commencer. Le repos du Dimanche était réduit à l’après-midi ; le matin, jusqu’à 10 heures, était consacré à ranger l’atelier. Deux heures par jour étaient réservées pour l’instruction primaire et l’éducation religieuse. En cas de différend, le Conseil des prud’hommes, comme dans le projet primitif, devait prononcer.

La loi s’était singulièrement relâchée sur la route. Cela n’empêcha pas les économistes de la trouver trop rigide et les patrons trop gênante. Elle fut mal exécutée, comme celle qui concernait les enfants travaillant dans les manufactures. Pour les apprentis, il n’y avait point d’inspection ; pour les autres, ceux qui remplissaient cet office n’étaient point payés ; ils étaient

  1. On peut observer en passant la curieuse répercussion que l’âge de la première communion a eue, chez les catholiques, sur la fin de la période scolaire et sur l’entrée dans la vie active. Chez les protestants, par exemple en Suisse, cette cérémonie religieuse étant reculée jusqu’à seize ans, l’école est déjà en 1848 obligatoire jusqu’à cet âge.