hautaines que le succès ne devait pas confirmer : Italia farà da se (L’Italie se tirera d’affaire toute seule).
Hormis ce côté, Lamartine était résolu au statu quo, il recherchait une entente avec l’Angleterre et tenait en bride les réfugiés irlandais ; il faisait des avances à la Prusse ; il invitait assez durement les Polonais de Paris à demeurer paisibles ; il était même partisan d’un accord étroit avec la Russie : « L’alliance russe, c’est, à l’entendre, le cri de la nature ; c’est la révélation des géographies ; c’est l’alliance de guerre pour les éventualités de l’avenir de deux grandes races. C’est le moyen d’assurer l’équilibre continental avec « deux poids égaux et prépondérants à Saint-Pétersbourg et à Paris. »
Les puissances étant ainsi, à l’exception de l’Autriche, tranquillisées sur les intentions de la République française, il était naturel qu’elles la reconnussent aisément. La Suisse, la République Argentine, l’Uruguay, les États-Unis furent les premières à saluer son avènement ; les autres ne tardèrent guère, et le respect universel qu’elle obtenait ainsi d’emblée vint ajouter un rayon à la lumineuse sérénité de son aurore.
Malheureusement, le trouble était déjà dans l’air ; les nuages montaient, rapides, épais, gros de tempêtes… L’harmonie apparente cachait des divisions profondes. Elles allaient se creuser et s’élargir. Par la faute des individus ? Oui sans doute, en partie. On connaît le mot cruel de Béranger à l’un des gouvernants qui cherchait à excuser leurs querelles perpétuelles ; « Que voulez-vous ? disait celui-ci… La différence de nos opinions… — Dites plutôt la ressemblance de vos ambitions », répliquait le chansonnier. — Mais surtout par la faute de ces grandes poussées collectives, où les forces individuelles sont englobées et roulées comme les gouttes d’eau dans une lame de fond, par la faute des choses plus que des hommes, par la faute des circonstances mêmes que traversait la société française.
La Révolution de Février s’était faite contre le privilège réservé à la classe riche de diriger les affaires publiques. C’était, en matière politique, le passage de a ploutocratie à la démocratie. Mais, logiquement, ce passage entraînait la disparition de beaucoup d’autres privilèges. Il impliquait la transformation, dans un sens favorable aux travailleurs, de l’impôt, de l’organisation militaire, judiciaire, administrative, de l’enseignement, du droit de propriété, des conditions du travail, etc. Autant de points sur lesquels la bourgeoisie avait des intérêts autres que ceux du prolétariat. Une lutte entre les deux classes était inévitable. Elle