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COMMERCE SPÉCIAL
(en millions de francs)
1847 1.675,7 1851 1.923,2

Aussi les chiffres de 1847 sont-ils déjà dépassés pour le commerce spécial en 1851.

Comment ce relèvement avait-il été obtenu ? Par une série de causes dont quelques-unes sont accidentelles. Un fait inattendu vint alors fort à propos conjurer la crise monétaire qui gênait le négoce : je veux parler de la découverte des mines d’or de la Californie. Des bandes d’aventuriers se ruèrent sur ce pays des pépites, sur ces placers merveilleux où il semblait qu’il n’y eût qu’à se baisser pour ramasser une fortune. Beaucoup de ceux qui se mirent en route sur la foi de ce mirage furent tués par la fatigue, la misère et les passions folles que la cupidité déchaîna dans une société désordonnée où s’agitaient pêle-mêle bandits et travailleurs et où le jeu, la débauche, le revolver multipliaient les victimes, Paris eut son contre-coup de cette nouvelle espèce de fièvre jaune dans la Loterie du lingot d’or, qui ressembla fort à une vaste escroquerie. Mais, en lingots ou en poudre, le précieux métal n’en était pas moins jeté avec abondance dans la circulation et produisait un accroissement de numéraire tel que le monde n’en avait pas vu de pareil, même au xvie siècle. Les statistiques ne sont pas d’accord sur les quantités qui vinrent alors de cet Eldorado. Mais on a des chiffres précis qui mesurent ce qui tomba en France de cette pluie d’or.

ARRIVAGES D’OR EN FRANCE MONNAYAGES
Années Or Argent
1847 21 millions 7.707,020 78.285,157
1848 42 xxx » 39.7 xx » 119.7 xx »
1849 12 xxx » 27.1 xx » 206.5 xx »
1850 61 xxx » 85.1 xx » 86.4 xxx »
1851 116 xx » 269.7 x » 59.3 xxx »

Et les conséquences de cette inondation dorée se faisaient sentir. En même temps que les rapports de valeur étaient troublés entre l’or et l’argent, ce qui donnait lieu à des spéculations et à des difficultés variées, un renchérissement général commençait à se produire ; les prix des marchandises montaient et comme les salaires, selon l’ordinaire, étaient lents à suivre cette ascension, c’était pendant quelques années une souffrance de plus pour la classe ouvrière. En revanche l’abondance de la monnaie facilitait les transactions ; le capital se remettait à rouler, au lieu de s’enfouir peureusement. D’autres faits agissaient dans le même sens. Les négociants savaient et pouvaient s’associer dans de meilleures conditions que les ouvriers, parce qu’il avaient plus d’argent, d’expérience, de liberté. Puis le commerce bénéficiait