aveugle sur ses intérêts pour se livrer aux folies du communisme, nous lui laisserions la liberté de se perdre, mais il ne pourrait plus compter sur l’or et le sang de la province. La scission serait douloureuse, mais elle aurait lieu… » Ce qui accroit l’effarement, c’est que sur certains points ont éclaté des échauffourées. À Essonnes, répercussion sympathique de la grande partie qui se joue à Paris ; à Marseille. mouvement indépendant qui, dès le 18 juin, trouble la ville pour une double cause : réclamation des volontaires parisiens qui se sont enrôlés pour défendre la cause italienne et qui, victimes de retards volontaires, sont en pleine détresse ; bruit répandu que l’Assemblée songe à supprimer le décret qui limite a dix heures la journée de travail. De là, manifestations tumultueuses, malentendus, collision sanglante entre soldats et ouvriers malgré les conclussions du préfet Émile Ollivier ; mot bien méridional prononcé, dit-on, par un des insurgés : « Je voudrais boire le sang des lignards et des gardes nationaux comme je bois ce verre de vin » : barricades qui n’en sont pas moins enlevées très aisément par la troupe ; puis renvoi devant les tribunaux de 153 accusés. Le reste de la province n’a connu ce qui lui paraît une émeute « sans drapeau » et « sans nom », sans motif avouable et sans excuse », que par la part qu’elle a prise à la répression, par des disparitions mystérieuses d’amis ou de parents habitant la grande ville, par des arrestations d’insurgés en fuite. Le sens social s’en dégage pourtant assez vite. À Trévoux, des ouvriers ont dit dans une boutique : « Allons ! bourgeois, faites bon poids ! Nous sommes des ouvriers et nous revenons de la bataille de Paris ». À Béthune, un individu, porteur d’une ceinture rouge, est écroué « pour ce motif ». Beaucoup de délations partout. À Ribérac. Marc Dufraisse est dénoncé pour avoir déployé à sa fenêtre « un drapeau tricolore souillé par un bonnet rouge. » À Bordeaux, deux ouvriers sont condamnés à trois jours de prison, pour avoir crié l’un : En avant les ouvriers ! l’autre : Vive la République rouge ! Les ouvriers sont traités en suspects, presque en coupables, à demi internés ; le 6 octobre 1848, cette circulaire sera encore adressée aux préfets par le ministre de l’Intérieur : « Je vous invite à donner des ordres à la gendarmerie pour que les ouvriers ne puissent passer d’un département dans un autre sans être munis de passeports. » On ne se borne pas à leur ôter la liberté d’aller et de venir. On prescrit aux fonctionnaires dont ils peuvent dépendre de ne pas les laisser faire de la politique, témoin cette circulaire aux ingénieurs en chef, datée du 10 novembre 1848 : « Si des doctrines fallacieuses, des théories subversives cherchaient à égarer autour de vous des intelligences aveugles ou crédules, éclairez-les, usez sur elles d’une salutaire influence… Détournez vos subordonnés, au besoin défendez-leur au nom du gouvernement de compromettre leur caractère par une participation quelconque à des banquets, à des réunions, à des manifestations parfois dangereuses, toujours stériles. »
Mais c’est-à Paris que se développent le plus vigoureusement les suites de la défaite prolétarienne. Cavaignac avait dit : « Dans Paris, je vois des vainqueurs