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dorf » et son armée, d’après ce même historien (Ibid., p. 260), dont la loyauté politique vaut la conscience et le désintéressement du roi de Prusse. Le 14 octobre, Mœllendorf faisait publier à l’ordre que « le traité de subsides avec l’Angleterre ne subsistant plus, tout ce qui se faisait ne servait plus qu’à l’honneur des armes prussiennes et à maintenir leur ancienne gloire » (Mémoires tirés des papiers d’un homme d’État — Hardenberg — par de Beauchamp et Schubart, t. II, p. 520), et quelques jours plus tard (chap. iv), il repassait le Rhin. Après avoir rallié à ses idées la plupart des princes allemands qui craignaient comme lui l’extension de la puissance autrichienne, et sur lesquels il s’efforçait de substituer sa prépondérance à celle de l’Autriche, le roi de Prusse donnait, le 8 décembre 1794, au comte de Goltz le mandat de traiter de la paix. Ce dernier était, le 28 décembre, à Bâle où le plénipotentiaire français, Barthélémy, le rejoignait le 23 nivôse (12 janvier), et bientôt ils échangeaient leurs pouvoirs. Interrompues, le 18 pluviôse (6 février), par la maladie du comte de Goltz qui mourut peu de temps après, les négociations furent reprises avec son successeur, le baron de Hardenberg, arrivé à Bâle le 28 ventôse (18 mars) et, le 16 germinal (5 avril), la paix était conclue.

Par ce traité, la France s’engageait à évacuer la partie des États prussiens détenue par elle sur la rive droite du Rhin, mais elle continuait à occuper la partie de ces États situés sur la rive gauche, sauf arrangement à intervenir lors de la paix générale ; elle déclarait accueillir les bons offices du roi de Prusse en faveur des princes et États de l’empire germanique qui réclameraient la médiation du roi. En vertu d’articles secrets, la France promettait à la Prusse des compensations si, à la paix générale, ses limites se trouvaient définitivement fixées au Rhin, et était prévue, sous la garantie de la Prusse, la neutralisation — que régla un second traité signé à Bâle (28 floréal-17 mai) — de certains pays de l’Allemagne du Nord. La Convention qui, par le décret du 27 ventôse an III (17 mars 1795), avait autorisé le comité de salut public à joindre des articles secrets aux traités, ratifia, le 25 germinal an III (14 avril 1795), le traité du 16 (5 avril). La fallacieuse politique des « frontières naturelles » triomphait, grosse de périls. Si le roi de Prusse, en effet, comptait que la cession éventuellement acceptée par lui se heurterait à trop d’obstacles pour devenir définitive, l’annexion, bon gré mal gré, des provinces rhénanes était un article du programme des gouvernants thermidoriens.

Par réaction contre la politique de Robespierre aussi bien au point de vue extérieur qu’au point de vue intérieur, les thermidoriens avaient vite substitué aux principes admis par lui (Histoire socialiste, t. IV, p. 1587 et 1723) un parti pris de conquêtes, une idée arrêtée d’accroissement territorial, et subordonné la conclusion de la paix à la réalisation de ce rêve impérialiste signalé par le baron Fain, dans son Manuscrit de l’an III (p. 26), sous la