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p. 472). Bientôt il allait, en outre, pouvoir se réconforter par la lecture d’une lettre du 18 août du duc de Polignac lui exprimant l’admiration de la cour d’Autriche (Savary, Guerre des Vendéens et des Chouans, t. V, p. 319) ; il devait enfin en recevoir une autre que lui écrivit, le 1er octobre, Souvorov qui, en homme se connaissant en massacres, le complimentait chaleureusement (Idem, t. VI. p. 2).

Charette s’était montré digne de cette confiance internationale en faisant, le 15 thermidor (2 août), sous prétexte de venger les exécutions auxquelles il avait été procédé à Vannes, après Quiberon, assommer pendant la messe, à coups de bâtons et de pieux, dans un bois, à Belleville près de la Roche-sur-Yon, 2 ou 300 prisonniers républicains (Auvynet, Éclaircissements historiques, déjà cités chap. v, p. 504). Presque en même temps, sur la rive droite de la Loire, quatre à cinq mille Chouans enlevaient un grand convoi non loin de Carquefou (Loire-Inférieure) et tuaient 220 hommes avec des raffinements de cruauté (Chassin, Les Pacifications de l’Ouest, t. Ier, p. 588). La guerre recommençait ouvertement ; la prochaine arrivée du comte d’Artois allait, pensait-on, exciter l’enthousiasme ; le découragement fut la conséquence inattendue de sa lâcheté : dès la fin de septembre, les bandes de Charette éprouvaient plusieurs échecs ; battues à Saint-Cyr-en-Talmondais (canton des Moûtiers-les-Mauxfaits, Vendée), le 3 vendémiaire an IV (25 septembre 1795), elles évacuaient Belleville le 8 (30 septembre). Par décision du 14 fructidor (31 août), Hoche était passé de l’armée des côtes de Brest, par lui laissée, le 24 (10 septembre), sous le commandement provisoire du général Rey, à l’armée de l’Ouest où il succédait à Canclaux.

Le comte d’Artois avait fini par se joindre à la troisième armée anglaise et, le 12 septembre il était dans la rade de Quiberon. Mais, avec le souci toujours en éveil de se tenir à distance de l’ombre même du danger, il n’aborda pas et fut conduit d’abord à l’île Houat, puis, le 2 octobre, à l’île d’Yeu. Le 5 vendémiaire (27 septembre), des vaisseaux anglais avaient sommé le commandant de l’île de Noirmoutier de la livrer au « frère du roi » et à « ses alliés » ; sur le refus du commandant, les vaisseaux avaient disparu. Quant au « frère du roi », il ne tenait pas à être en évidence ; lorsqu’on le poussait à se rendre auprès de Charette, il répondait, ainsi qu’il devait l’écrire au duc d’Harcourt (Forneron, Histoire générale des émigrés, t. II, p. 136) : « Mais on ne voit que des troupes républicaines sur les côtes ! » Et les voir de loin devait amplement suffire à la curiosité guerrière de ce bravache.

Sous le coup des événements de vendémiaire et des nouvelles de Vendée, la Convention comprit que le royalisme était devenu un péril réel, ne distinguant plus entre les républicains, menaçant les modérés comme les autres. Il avait été de bon ton de rire du péril royaliste. En donnant pour excuse que le péril n’était plus de ce côté, on s’était laissé aller, à l’égard des royalistes déguisés en libéraux — c’est encore un des déguisements sous lesquels ils